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Expulsion de squatteurs : quand les propriétaires franchissent la ligne rouge

Les expulsions de squatteurs deviennent un point de tension croissant en France. Face à des procédures judiciaires jugées trop longues et complexes, certains propriétaires choisissent désormais d’agir seuls. Une tendance inquiétante, mais révélatrice d’un système perçu comme défaillant.

Une loi insuffisante malgré ses promesses

Adoptée en 2023, la loi Kasbarian visait à simplifier l’expulsion des occupants illégaux. Pourtant, son efficacité reste limitée. Elle exige une preuve d’effraction, de voie de fait ou de contrainte — des éléments souvent impossibles à établir rapidement.

Résultat : de plus en plus de bailleurs, exaspérés, préfèrent prendre les choses en main. Certains vont jusqu’à couper l’eau ou l’électricité. D’autres, plus radicaux, organisent des pressions physiques ou des opérations de délogement sans l’aval de la justice.

Karine Lellouche : symbole d’un système en crise

À Andernos-les-Bains, en Gironde, Karine Lellouche a été condamnée après avoir tenté de faire expulser un squatteur de sa propre maison en faisant appel à des intermédiaires. Son histoire a suscité une vague de solidarité inattendue.

David Lisnard, président de l’Association des maires de France, et l’ancien gardien de l’Équipe de France, Grégory Coupet, ont publiquement défendu sa cause. Pour eux, son geste illustre le désarroi des propriétaires face à un vide juridique persistant.

“Entre la fiscalité et la justice, on n’y arrive plus”

Michael, chef d’entreprise et bailleur depuis quinze ans, ne cache pas son amertume : “J’approuve ce que cette femme a fait.” Après avoir aidé une locataire en difficulté, il s’est retrouvé confronté à un refus de paiement prolongé.

Il résume aujourd’hui sa position en une règle claire : “Dès que je signe un bail, je préviens — pas de loyer, pas de délai. Je vous déménage moi-même.”

Pour lui, la solution passe aussi par le voisinage : “Il faut faire blocus autour de la maison. Quand ils sortent, on les empêche de rentrer. En quelques jours, le problème est réglé.”

Quand l’entourage devient escroc

Hakim, propriétaire de deux appartements, a vécu une expérience similaire avec un proche. Après quatre ans de loyer régulier, les paiements ont cessé, entraînant des impayés de charges de copropriété.

Face à l’impossibilité d’agir légalement, il a fini par couper l’eau, puis l’électricité. Moins de 48 heures plus tard, accompagné d’amis, il a attendu le locataire en bas de l’immeuble. Sans violence, mais avec détermination.

“Je n’en suis pas fier, mais ça a fonctionné”, admet-il. “Pour sortir de ces situations, il faut un peu de toupet et d’audace.”

Des solutions entre pragmatisme et illégalité

Ces témoignages soulèvent un problème plus large : l’absence d’un cadre réactif pour traiter les squats illégaux. Si la loi existe, son application tarde. Et dans l’intervalle, des citoyens, souvent investisseurs modestes, prennent des risques judiciaires.

Ils n’ignorent pas la frontière de la légalité. Mais pour eux, c’est une question de survie économique. “Mes appartements, je les ai achetés avec 1400 euros par mois, en vivant chez ma mère”, rappelle Hakim. “C’est un investissement immobilier, pas une auberge.”

Dans un contexte de pénurie de logements et de coûts locatifs en hausse, ces histoires révèlent l’urgence d’un nouveau dispositif : plus rapide, plus protecteur, et surtout, plus juste.