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Choc social : Deux jours fériés menacés pour un gain de 4,2 milliards

Deux jours de repos sacrifiés. Des milliards d’euros en jeu. Un gouvernement sous pression. La suppression du lundi de Pâques et du 8 mai fait débat, mais elle est désormais sur la table. Officiellement, il s’agit de redresser les comptes publics. En réalité, c’est tout un modèle social qui vacille. Travailler plus pour produire plus ? Les Français sont-ils prêts à payer ce prix ? Alors que François Bayrou lance sa stratégie budgétaire pour 2026, le pays s’interroge : jusqu’où ira-t-on pour combler le déficit ?

Un projet aux allures de bombe sociale

Dans un courrier adressé aux partenaires sociaux le 8 août, le Premier ministre François Bayrou a officialisé une mesure explosive : la suppression de deux jours fériés, dont le lundi de Pâques et le 8 mai, jour de la victoire 1945. Cette décision, inscrite dans le projet de loi de finances pour 2026, vise à générer un rendement immédiat de 4,2 milliards d’euros dès la première année. Un chiffre colossal, mais qui cache une réalité plus complexe.

Le gouvernement justifie cette réforme par la nécessité de relancer la production nationale. « Si on travaille deux jours de plus, alors le pays tout entier produit plus », a martelé François Bayrou dans une vidéo publiée sur YouTube. Pour lui, il s’agit d’un « effort acceptable » dans un contexte de finances publiques tendues. Pourtant, cette logique heurte de plein fouet une culture du travail déjà en tension.

Travailler plus… sans être mieux payé

Le document d’orientation transmis aux syndicats et aux organisations patronales précise un point crucial : les salariés mensualisés et les agents publics ne seront pas rémunérés pour ces deux jours supplémentaires de travail. En d’autres termes, ils devront produire davantage sans contrepartie salariale directe.

En revanche, les employeurs du secteur privé devront s’acquitter d’une contribution financière versée directement au budget de l’État. Ce mécanisme s’inspire de la journée de solidarité, instaurée en 2004 après la canicule, où une journée de travail non rémunérée était dédiée au financement de l’aide aux personnes âgées. Sauf qu’ici, le bénéfice n’est plus symbolique : il entre directement dans les caisses publiques.

Négociation ou imposition ?

Le gouvernement appelle les partenaires sociaux à se prononcer d’ici le 1er septembre sur leur volonté d’engager une négociation. Une discussion qui devrait, selon Matignon, s’achever « au plus tard le 30 septembre ». En apparence, une ouverture. En pratique, une pression temporelle intense.

Pour Laurent Saint-Martin, ministre du Budget, cette mesure s’inscrit dans une logique économique claire : « Les actifs français travaillent moins que leurs homologues américains. » Une affirmation souvent débattue, mais qui sert de socle à la justification du projet. Pourtant, de nombreux experts rappellent que la productivité ne dépend pas uniquement du nombre d’heures travaillées, mais aussi de l’organisation, de la formation et des conditions de travail.

Une impopularité grandissante

La réaction ne s’est pas fait attendre. Sandrine Rousseau, députée écologiste, a fustigé une mesure « qui frappe surtout les plus modestes », qualifiant cette suppression de « véritable impôt déguisé ». D’autres voix, syndicales et politiques, s’élèvent contre ce qu’elles perçoivent comme une rupture du contrat social.

Dans les territoires ruraux, dans les hôpitaux, dans les écoles, beaucoup redoutent que cette décision ne creuse encore davantage la fracture entre les élites décisionnelles et les travailleurs du terrain. Et si le 8 mai, symbole de la paix retrouvée, disparaît du calendrier, quel message enverra-t-on aux générations futures ?

Le Medef, quant à lui, reste prudent. S’il ne rejette pas frontalement la mesure, son président Patrick Martin déplore l’absence de mesures d’accompagnement en faveur de l’investissement. Pour le patronat, l’équation budgétaire ne peut reposer uniquement sur des économies : elle doit aussi stimuler la croissance.