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Alerte sociale : un appel à « tout bloquer » le 10 septembre fait trembler le gouvernement

Un simple message, répété des milliers de fois sur les réseaux sociaux, pourrait relancer la rue. Alors que l’été brûle sous les canicules, une autre chaleur monte en France : celle du mécontentement. Depuis juillet, une mobilisation informelle gagne du terrain en ligne. Son mot d’ordre ? « Tout bloquer » le 10 septembre. Pas de parti, pas de syndicat officiellement derrière, mais une colère diffuse, puissante, qui rappelle fatalement les gilets jaunes. Ce mouvement à l’état gazeux, né sur Telegram et relayé sur TikTok, Facebook et X, appelle à une « résistance » sans précédent. Grève générale, boycott des supermarchés, arrêt des paiements par carte… Le scénario d’un pays paralysé fait désormais débat. Et inquiète.

Un appel viral né dans l’ombre des réseaux sociaux

Tout commence sur une chaîne Telegram, discrète, intitulée « Les essentiels France ». Puis, comme une traînée de poudre, l’idée progresse. Le 10 septembre devient une date fétiche. Pas de raison précise. Juste un mercredi, choisi peut-être pour sa neutralité. Le collectif « Indignons-nous », rassemblant plusieurs milliers d’internautes, devient le relais principal. Les appels se multiplient : « grève illimitée », « confinement volontaire », « RIC maintenant ». Des slogans qui résonnent comme un retour du référendum d’initiative citoyenne, emblème des gilets jaunes.

Ce mouvement, sans leader ni structure, s’appuie sur la désaffection croissante vis-à-vis des institutions. Il parle à ceux qui se sentent oubliés. Exclus. Pressurés. Et il gagne en visibilité chaque jour.

Le plan de rigueur comme étincelle

La colère ne tombe pas du ciel. Elle couve depuis des mois. Mais c’est l’annonce des mesures d’économies par le Premier ministre François Bayrou qui a mis le feu aux poudres. Réduction des dépenses publiques, gel des recrutements, suppression de deux jours fériés… Un plan d’austérité que beaucoup perçoivent comme une injustice. « Les braises sont encore rougeoyantes », analyse Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l’Ifop, cité par Le Point. Et le gouvernement, selon lui, aurait jeté un bidon d’essence sur ces braises. L’allume-feu ? La suppression des jours fériés, symbole d’une vie qui rétrécit.

Le sentiment de déclassement, la précarité des fins de mois, la fatigue fiscale : autant de facteurs qui n’ont pas disparu depuis 2018. Ils sont là, latents. Et prêts à exploser.

Des actions classiques… et radicales

Les formes de mobilisation envisagées sont hétérogènes. Certaines relèvent du registre traditionnel : grèves sectorielles, rassemblements, blocages d’entreprises. D’autres, plus radicales, circulent sur les réseaux : arrêt des paiements par carte bancaire, boycott des grandes surfaces, désobéissance civile généralisée. Une stratégie de blocage total du pays, comme le résume une formule devenue virale : « un arrêt illimité et total du pays ».

L’historien Stéphane Sirot, spécialiste des mouvements sociaux, souligne une différence majeure : le 10 septembre tombe un mercredi. Contrairement au samedi, jour des gilets jaunes, il n’est pas chômé pour la majorité. Un obstacle logistique. Mais aussi un défi : mobiliser malgré l’emploi du temps.

Les syndicats, entre vigilance et soutien

Les grandes confédérations ne sont pas en reste. Si elles ne lancent pas officiellement le mouvement, elles en partagent les motifs. Le 1er septembre, les syndicats se réuniront pour décider de leurs actions communes. En attendant, plusieurs fédérations de la CGT – chimie, commerce, mines-énergie – ont déjà annoncé leur mobilisation le 10 septembre. La CGT Mines-Energies appelle même à la grève dès le 2 septembre. Force ouvrière a déposé un préavis de grève à partir du 1er septembre. À Paris, une grève est envisagée dans les hôpitaux.

« Il y a de quoi être en colère », affirme Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT. « Les mobilisations seront nombreuses. » Un soutien de fait, sans pour autant cautionner une coordination hors cadre syndical.

Le monde politique, partagé et prudent

Du côté des partis, les réactions sont nuancées. À gauche, certains s’engagent. Les députés Clémentine Autain et Alexis Corbiere, membres du groupe écologiste, ont signé une tribune dans Regards appelant à faire du 10 septembre « le début de la lutte ». Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, se dit « reconnu » dans les motifs du mouvement, tout en insistant sur son indépendance : « condition de son succès ».

À droite, le silence est quasi total. À l’extrême droite, la députée Edwige Diaz (RN) affirme comprendre « la détresse des Français », mais refuse tout rôle d’instigateur : « Notre parti ne s’improvise pas organisateur de manifestations. » Quant à une source gouvernementale, elle minimise : « Je n’ai pas l’impression que ça marche très fort. » Puis, aussitôt, un aveu de prudence : « On peut se tromper. Les gilets jaunes, personne ne les voyait venir… »