TF1 affirme que l’inflation n’est « qu’une impression » — et les Français ne sont pas dupes
Vous avez l’impression que votre caddie coûte le double de ce qu’il coûtait il y a deux ans ? Que le poulet, le pain, l’huile et même les pâtes vous obligent désormais à faire des choix ? Selon un reportage récent de TF1, ce sentiment serait… largement exagéré. Pire : il refléterait une mauvaise gestion de vos propres dépenses. Une affirmation qui, au lieu de rassurer, a ravivé une colère bien réelle.
Le message subliminal de TF1 : « C’est vous le problème »
Dans un segment diffusé en novembre 2023, la première chaîne française a présenté l’augmentation du coût de la vie comme une question de comportement d’achat. Plutôt que d’interroger les causes profondes — marges des distributeurs, spéculations sur les matières premières, crise énergétique —, le reportage suggérait que les consommateurs « ne savent plus comparer » ou « se laissent aller à des achats impulsifs ».
La chaîne #TF1 nous dit que SI NOUS AVONS L'IMPRESSION que les prix des magasins ont beaucoup augmenté, que la vie est plus chère qu'avant et que nous avons du mal à acheter de la nourriture,
𝗰'𝗲𝘀𝘁 𝗽𝗮𝗿𝗰𝗲 𝗾𝘂𝗲 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝘀𝗼𝗺𝗺𝗲𝘀 𝗶𝗱𝗶𝗼𝘁𝘀…
Mais bien sûr… pic.twitter.com/1v9PAw9mwU— ☀️🌻Annac&toujoursmoi🌻☀️1/2 (@Anna_C_moi) November 8, 2025
Le sous-entendu était clair : si vous peinez à remplir votre frigo, c’est peut-être parce que vous manquez de rigueur. Une narration qui sonne comme une gifle pour des millions de foyers qui jonglent entre factures, loyers et paniers de courses de plus en plus légers.
Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes
L’inflation alimentaire en France a atteint des sommets historiques depuis 2022. Selon l’INSEE, les prix des produits alimentaires ont augmenté de plus de 16 % entre janvier 2022 et décembre 2023. Pour les œufs, le beurre ou l’huile de tournesol, certaines hausses dépassent les 30 %. Et ce n’est pas une impression : c’est une réalité chiffrée, vérifiable, quotidienne.
Parallèlement, les dons alimentaires ont bondi. Le Secours populaire a enregistré une hausse de 27 % des demandes d’aide en 2023. Des étudiants, des travailleurs précaires, des retraités — tous décrivent un même phénomène : il faut désormais dépenser plus pour acheter moins.
Quand les médias perdent le contact avec le terrain
Il y a un risque très réel, lorsque les grands médias minimisent la détresse économique vécue par une large part de la population : celui de la perte de crédibilité. En présentant la crise du pouvoir d’achat comme un défaut de perception ou de discipline personnelle, TF1 ne fait pas que se tromper — elle stigmatise ceux qui subissent les conséquences d’un système qu’ils n’ont pas choisi.
Les réactions sur les réseaux sociaux ont été sans appel. « J’ai arrêté de manger du fromage depuis six mois. Mais bien sûr, c’est moi qui dépense mal », écrit une internaute. « Quand on gagne 1 200 € par mois, on ne choisit pas ses priorités : on subit », rappelle un autre.
Redonner du sens au débat sur le coût de la vie
Parler du pouvoir d’achat, c’est parler de justice sociale, de politique agricole, de régulation des marchés, de transparence des prix. Ce n’est pas une affaire de « bons » ou de « mauvais » consommateurs. C’est une question de répartition des richesses — et de responsabilité collective.
Les médias ont un rôle crucial à jouer : pas celui de normaliser la précarité, mais celui de la rendre visible, compréhensible, et politiquement inacceptable.
