Quand les mères braquent pour survivre : le choc d’un témoignage qui réveille les injustices oubliées
Elle ne voulait pas voler. Mais elle n’avait plus le choix. Hélène Trinidad, ex-membre du Gang des Amazones, a raconté son histoire sur Sept à Huit le 9 novembre 2025. Pas de dramatisation. Pas de musique émouvante. Juste une voix calme, un regard droit. Et pourtant, la France entière a réagi. Avec colère. Avec incompréhension. Avec une question qui résonne encore : pourquoi cette femme nous dérange tant ?
#SeptAHuit Hélène Trinidad, ancienne braqueuse de banque, explique pourquoi elle a commencé à commettre des braquages. Elle avait une dette envers la CAF, et l’administration lui a tout coupé du jour au lendemain. pic.twitter.com/1MHjooSyf9
— Leila 🔻 (@leila693829) November 9, 2025
Le Gang des Amazones : un crime organisé… par la misère
Entre 1994 et 1995, cinq femmes — toutes mères, toutes en difficulté — ont décidé de passer à l’action. Pas pour devenir célèbres. Pas pour s’enrichir. Pour acheter du lait. Pour payer le loyer. Pour que leurs enfants ne dorment pas le ventre vide.
Elles ont ciblé des banques. Sept fois. 330 000 francs volés — environ 76 000 euros en valeur actuelle. Un montant modeste pour un vol, mais colossal pour une famille qui touchait 4 500 francs par mois en aides. Le loyer absorbait la moitié. Les courses, le tiers. Il ne restait rien pour les médicaments, les chaussures, les livres scolaires.
#septahuit et aller travailler pour nourrir ses enfants non ? Surtout qu’en France les gens sont très aidés par l’état. C’est bien TF1 et ROZELMACK qui adore donner la parole aux voyous jamais aux victimes chaque semaine c’est la même chose. la veuve qui prend un ton compatissant
— Laura (@PIONPION234) November 9, 2025
Une justice qui a choisi la réinsertion
Arrêtées après leur huitième tentative, elles n’ont jamais cherché à fuir. Elles ont reconnu leurs actes. Et pendant leur détention provisoire, elles ont suivi des cours de formation. Elles ont cherché du travail. Elles ont écrit des lettres à leurs enfants.
En 1996, les assises les ont condamnées — mais presque toutes avec sursis. Une seule a écopé d’un an de prison ferme. Pourquoi cette clémence ? Parce que la justice, ce jour-là, a vu plus que des braqueuses. Elle a vu des mères. Des femmes. Des victimes d’un système qui les avait laissées tomber.
Un film qui sort… et qui réveille les vieux démons
Le 12 novembre 2025, Le Gang des Amazones sortira sur les écrans. Izïa Higelin incarne Hélène Trinidad. Le film n’est pas un hommage. Il est un miroir. Et comme tout miroir, il renvoie une image que beaucoup ne veulent pas voir.
Les réseaux sociaux ont explosé. « Quelle honte », « Pourquoi mettre ça à l’honneur ? », « Et aller travailler pour nourrir ses enfants non ? » — les commentaires fusent. Mais personne ne parle du salaire minimum de 1995. Personne ne cite le plafond des allocations familiales. Personne ne demande : « Et si c’était nous, demain ? »
La France a-t-elle changé depuis 1995 ?
En 1995, le SMIC horaire était de 4,67 francs. Aujourd’hui, il est de 11,65 €. À première vue, c’est une progression. Mais regardez les prix. Le loyer a augmenté de 150 %. Les crèches, de 200 %. Les aides sociales, elles, n’ont suivi que de 60 %. Le pouvoir d’achat des mères isolées a reculé.
Le salarié à temps partiel n’est plus une exception. Le plafond des aides sociales est devenu une trappe. Et les mères isolées qui choisissent entre le chauffage et les médicaments ? Elles existent toujours. Elles sont juste moins visibles. Moins médiatisées. Moins… humaines, dans le discours public.
Le vrai crime, ce n’est pas le vol. C’est l’indifférence.
#septahuit faut avoir quelle éthique pour te présenter un braqueur comme "une gentille petite mere en difficulté" ? Quelle honte. Et maintenant, droit d'auteur sur un film qui va sûrement les sucer de ouf, sûrement un livre, etc… bref. Quelle honte.
— Lubacy (@Herbucy) November 9, 2025
Hélène Trinidad ne demande pas la gloire. Elle ne demande même pas le pardon. Elle demande juste qu’on l’écoute. Que quelqu’un comprenne que le crime n’est pas toujours un choix. Parfois, c’est la seule porte restante quand toutes les autres sont verrouillées.
Le film ne glorifie pas le vol. Il interroge. Et c’est ça qui fait peur. Parce qu’interroger, c’est accepter que le système a peut-être échoué. Que la peine ne suffit pas. Que la compassion n’est pas une faiblesse. Que la justice ne peut pas se limiter à la sanction.
Un récit qui ne date pas de 1995. Il date de demain.
Le Gang des Amazones n’est pas une histoire du passé. C’est un avertissement. Un rappel que les mères en détresse n’ont pas disparu. Elles ont juste appris à se taire. À se cacher. À ne plus demander. À ne plus parler.
Quand on voit un vol, on voit un criminel. Quand on voit une mère, on devrait voir une situation. Et peut-être, un jour, une solution.
