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Le RN vote pour la suspension… et le gouvernement tombe dans le piège

Mercredi 12 novembre, à 15 heures, l’Assemblée nationale va voter sur une mesure qui ne change rien… et tout. Une suspension. Pas une abrogation. Pas une révision. Juste un délai. Jusqu’à janvier 2028. Mais c’est ce délai qui va déchirer la majorité, exaspérer l’opposition, et offrir au Rassemblement national ce qu’il n’a jamais osé demander : le pouvoir de faire vaciller le président.

Un vote qui ne devait pas arriver

Marine Le Pen l’a dit, clair et net : « Ce sera le vote de tous les députés RN. » Pas de contestation. Pas d’hésitation. Un bloc unanime. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas un vote de soutien. C’est un vote de déstabilisation. Le RN ne croit pas à la réforme des retraites. Il ne croit pas non plus à sa suspension. Il croit à la faiblesse du pouvoir.

La génération née en 1964, celle qui devait partir à 63 ans, pourra désormais partir à 62 ans et 9 mois. Les trimestres nécessaires passent de 171 à 170. Une réduction minuscule. Mais dans le monde des retraites, chaque mois compte. Chaque trimestre est une victoire. Et cette fois, ce n’est pas le peuple qui l’a gagnée. C’est le politique qui l’a cédée.

Le gouvernement, pris au piège

Emmanuel Macron avait juré : « Pas de recul. » Trois ans après l’adoption de la réforme par l’article 49.3, il cède. Non pas par conviction. Par nécessité. Les socialistes, enfin unis, ont exigé un geste. Et le Premier ministre Sébastien Lecornu a accepté. En échange, ils soutiendront le budget de la Sécurité sociale. Un marché. Un échange de silence contre des mois.

Pour rendre la proposition irrésistible, le gouvernement a étendu la suspension aux carrières longues. Aux pompiers. Aux aides-soignantes. À ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans. Des catégories que la réforme Borne avait ignorées. Une reconnaissance tardive. Une concession stratégique.

Les alliances qui se brisent

Les Insoumis réagissent comme si c’était une trahison. « Voter cette suspension, c’est valider l’âge de 64 ans », dénonce Éric Coquerel. Pour eux, il n’y a pas de demi-mesure. Soit on abroge. Soit on ne touche à rien. Le compromis est une faute.

Les Républicains, eux, refusent cette concession. « Trop important », juge Édouard Philippe. Pour eux, les Français doivent travailler plus, pas moins. Et les députés Horizons partagent cette vision. Ils ne voteront pas. Ils ne s’abstiendront pas non plus. Ils protesteront.

Les abstentions qui décident

Mais ce sont les abstentions qui feront la différence. Les macronistes. Le MoDem. Même s’ils n’aiment pas cette mesure, même s’ils la trouvent faible, ils ne la bloqueront pas. Ils ne veulent pas briser l’accord avec les socialistes. Ils ne veulent pas être responsables du blocage du budget. Leur silence est une forme de complicité.

C’est ce silence qui rendra le texte adopté. Pas une majorité. Pas une volonté populaire. Une coalition d’opportunités. Une majorité de non-opposition.

Le vrai prix : 1,8 milliard d’euros

Le gouvernement parlait de 1,4 milliard. Le rapporteur LR Thibault Bazin, lui, évoque 1,8 milliard. Une augmentation de 30 %. Où va cet argent ?

La taxe sur les complémentaires santé ? Rejetée. Le gel des pensions ? Supprimé. Alors qui paie ?

Le déficit de la Sécurité sociale s’aggrave. Les comptes s’enfoncent. Et personne ne dit comment on les refera. Le gouvernement a trouvé un arrangement. Mais pas une solution.

Le débat qui ne finira pas

À 15 heures, 380 amendements sont en attente. Le temps file. Minuit approche. Les députés n’auront sans doute pas le temps de tout voter. Si le texte n’est pas adopté avant la fermeture, il partira au Sénat. Et là, les choses deviennent encore plus incertaines.

Le Sénat, dominé par la droite, pourrait rétablir la réforme initiale. Ou la modifier. Ou la bloquer. Le gouvernement a promis d’y ajouter les amendements votés. Mais rien n’est garanti. La réforme n’est pas suspendue. Elle est en suspens. Entre deux votes. Entre deux pouvoirs. Entre deux destins.