Le déremboursement de l’ostéopathie : une réforme qui risque de coûter cher à la Sécurité sociale
Chaque année, plus de 25 millions de Français consultent un ostéopathe pour soulager un mal de dos, une tendinite ou un trouble du sommeil. Ces soins, souvent perçus comme un luxe, sont en réalité devenus un pilier du bien-être quotidien. Mais une réforme en cours pourrait les rendre inabordables — et transformer une économie locale en une dépense nationale bien plus lourde.
Une pratique reconnue, mais menacée par les rapports officiels
L’ostéopathie n’est pas une pratique alternative de loisir. C’est une profession de santé, encadrée par l’État, exigeant cinq ans d’études intensives — 5 000 heures de formation, contrôlées par les agences régionales de santé. Pourtant, deux rapports récents, l’un du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), l’autre du Sénat, proposent d’exclure cette discipline des contrats responsables des mutuelles.
Leur justification ? Une absence de preuves scientifiques solides, basée sur une étude de l’Inserm datant de 2012. Mais cette analyse ne prend pas en compte les milliers d’études plus récentes, ni les retours massifs des patients. Selon un sondage, 82 % des Français rejettent l’idée de la supprimer.
Un déremboursement qui ne réduit pas les coûts — il les déplace
Si l’ostéopathie n’est plus remboursée, les patients ne disparaîtront pas. Ils iront voir un médecin généraliste. Et là, le réflexe est souvent le même : une radiographie, une IRM, une ordonnance d’anti-inflammatoires.
Philippe Sterlingot, porte-parole du syndicat des ostéopathes, le résume sans ambigüité : « Quand on vous enlève un soin non invasif, on ne supprime pas la douleur. On la transfère au système de santé. »
Et ce transfert a un prix. Des députés de tous bords — Guillaume Lepers, Sandrine Josso, Sophie Pantel — alertent depuis des mois : la suppression du remboursement entraînera une hausse des consultations médicales, une explosion des prescriptions pharmaceutiques, et un allongement des arrêts de travail. Résultat ? Une facture plus lourde pour l’Assurance maladie, pas moins.
Le paradoxe de l’État employeur
La contradiction est flagrante. D’un côté, l’État veut interdire le remboursement de l’ostéopathie dans les contrats privés. De l’autre, il l’intègre dans les couvertures de la fonction publique.
La MGEN, mutuelle des agents publics, a étendu cette garantie après avoir consulté ses adhérents. « Les fonctionnaires l’ont demandée. Ils l’utilisent. Et elle fonctionne », explique Séverine Salgado, de la Fédération nationale de la Mutualité française.
Le HCAAM dénonce ce « gaspillage ». Mais il oublie une chose : les agents publics ne cotisent pas pour des théories. Ils cotisent pour ne pas être à genoux pendant des semaines. Pour éviter un arrêt de travail. Pour ne pas dépendre d’un comprimé.
Les chiffres qui ne mentent pas
- 55 % des Français ont consulté un ostéopathe ces cinq dernières années
- 98 % des contrats responsables incluent déjà cette garantie
- 1 milliard d’euros : ce que les mutuelles dépensent chaque année pour les médecines douces
- 500 millions d’euros : ce que l’État dépense pour la dentaire 100% santé — un montant inférieur
- 82 % des Français s’opposent à son déremboursement
Interdire l’ostéopathie ne réduit pas les dépenses. Il les déplace. Et c’est la Sécurité sociale — c’est-à-dire les contribuables — qui les paiera.
Un amendement rejeté, sans débat
En octobre 2024, la députée Sandrine Josso a proposé d’amender le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 afin de préserver l’ostéopathie dans les contrats responsables. L’amendement a été déclaré irrecevable. Aucun vote. Aucun débat. Aucune écoute.
Pourtant, les professionnels de santé, les patients, les économistes de la santé — tous convergent sur le même constat : cette mesure est contre-productive. Elle pénalise les plus modestes. Elle augmente les risques de dépendance aux médicaments. Elle alourdit la charge sur les médecins généralistes déjà surchargés.
Que faire ? Une autre voie est possible
Plutôt que d’exclure, pourquoi ne pas encadrer ? Pourquoi ne pas exiger des ostéopathes qu’ils collaborent avec les médecins, qu’ils partagent les dossiers, qu’ils prouvent leur efficacité par des données réelles ?
La France est l’un des rares pays au monde à avoir intégré l’ostéopathie dans le système de santé publique. Ce n’est pas un accident. C’est un choix. Et ce choix, il est temps de le défendre — non par idéologie, mais par raison.
En 2025, le salaire moyen d’un ostéopathe est de 35 000 € par an. Moins qu’un infirmier. Moins qu’un pharmacien. Pourtant, son impact sur les dépenses de santé dépasse largement son coût. Supprimer son remboursement, ce n’est pas faire des économies. C’est sacrifier la prévention au nom d’un dogme scientifique obsolète.
