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Assemblée nationale : le coup de gueule de Yaël Braun-Pivet contre les photos des bancs vides

Depuis des mois, les bancs vides de l’hémicycle deviennent des armes de communication. Des députés, souvent en campagne médiatique, capturent ces images pour les diffuser sur les réseaux sociaux, accusant leurs adversaires de négligence. Mais derrière cette pratique, c’est toute l’image de la démocratie représentative qui se dégrade. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, vient de tirer la sonnette d’alarme. Dans une lettre officielle adressée à tous les élus, elle demande un arrêt immédiat de ces mises en scène, jugées contraires à l’esprit de l’institution.

Une pratique de plus en plus courante, et de plus en plus contestée

Les photos des bancs déserts ne sont pas nouvelles. Mais leur fréquence a augmenté ces derniers mois, surtout lors des débats sensibles : réformes fiscales, migrations, ou encore budget de la défense. Certains groupes politiques les utilisent comme preuve visuelle d’un manque d’engagement de l’opposition. D’autres les partagent pour susciter la colère des électeurs. Le résultat ? Une instrumentalisation croissante de l’espace parlementaire, transformé en décor de campagne.

 

Yaël Braun-Pivet ne nie pas les absences. Elle les reconnaît même comme un problème structurel. Mais ce qu’elle condamne, c’est la façon dont elles sont exploitées. « Ces photographies, prises à des fins politiques, visent à stigmatiser », écrit-elle. Elles réduisent la complexité du travail parlementaire à une simple question de présence physique. Or, un député peut être absent de l’hémicycle tout en travaillant en commission, en déplacement territorial, ou en réunion interparlementaire.

Un rappel à l’ordre qui fait polémique

Le courrier de la présidente a suscité des réactions contrastées. Certains élus l’ont salué comme un retour au respect institutionnel. D’autres, comme Yves d’Amécourt, ancien maire de Sauveterre-de-Guyenne, ont réagi avec ironie. Sur X, il a écrit : « On aurait imaginé que Yaël Braun-Pivet demande aux députés d’être présents plus souvent… Non ! ».

Cette réponse révèle une tension profonde : faut-il punir les absences, ou faut-il changer les conditions qui les rendent inévitables ? Les députés travaillent souvent en dehors de Paris. Ils reçoivent des concitoyens, participent à des forums locaux, ou suivent des dossiers en commission. Mais ces activités, invisibles sur les réseaux sociaux, ne font pas de bonnes images.

Les règles existent — mais sont-elles appliquées ?

Les règles encadrant la présence des députés ne manquent pas. En commission, les absences répétées entraînent des retenues financières. Lors des scrutins solennels, une justification écrite est obligatoire. En cas de manquements récurrents, des sanctions plus lourdes peuvent être prononcées — jusqu’à la suspension temporaire des indemnités.

Pourtant, ces mécanismes restent peu connus du grand public. Et surtout, leur application est souvent discrète. Ce qui alimente le sentiment d’injustice : certains pensent que les absences sont tolérées, voire encouragées, tant qu’elles ne sont pas exposées. C’est précisément ce que cherche à briser Yaël Braun-Pivet : la logique de la mise en scène publique.

La présidence face au défi de la transparence

La présidente ne demande pas de supprimer la transparence. Bien au contraire. Elle appelle simplement à une forme d’éthique numérique. Elle interdit expressément de photographier des députés ou des personnes présentes dans les tribunes sans leur consentement, dans le but de les diffuser sur les réseaux sociaux.

Ce n’est pas une censure. C’est un rappel aux fondements du débat démocratique : la dignité des élus, la protection de leur vie privée, et la préservation de l’institution. Car derrière chaque banc vide, il y a un homme ou une femme qui, peut-être, est en train de rencontrer un éleveur en Ardèche, de préparer une loi sur la santé mentale, ou de négocier un accord européen.

Le vrai problème : comment rendre le travail parlementaire visible ?

Le débat ne porte pas seulement sur les photos. Il porte sur la manière dont la démocratie se raconte aujourd’hui. Les réseaux sociaux récompensent le spectacle. Les plateformes valorisent la confrontation, la polémique, la simplicité. Mais le travail parlementaire est complexe, lent, souvent invisible.

Comment faire pour que le public comprenne que la présence physique n’est qu’un indicateur partiel ? Comment valoriser les travaux en commission, les rapports écrits, les réunions locales ? La présidente n’a pas encore proposé de solution concrète. Mais en interdisant les clichés politiques, elle ouvre la voie à une autre forme de communication : plus exigeante, plus authentique, plus respectueuse.

Les électeurs veulent des élus présents. Mais ils veulent aussi des élus crédibles. Et une institution qui ne se transforme pas en reality show.