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« Perdre nos enfants » : l’armée française face au spectre d’une guerre proche

Alors que l’Europe se prépare à l’impensable, une phrase du général Fabien Mandon a réveillé une angoisse longtemps contenue : celle de voir la guerre frapper à nouveau le sol français. Mais entre alarmisme et lucidité stratégique, où se situe la vérité ?

Une déclaration qui fait trembler la République

« Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants… alors on est en risque. » Cette phrase, prononcée le 19 novembre 2025 devant le Congrès des maires, a déclenché une onde de choc bien au-delà des cercles militaires.

Pourtant, loin d’une provocation, elle s’inscrit dans un discours d’alerte lucide. Le chef d’État-major des armées ne parlait pas des adolescents dans les lycées, mais des jeunes soldats — âgés de 18 à 27 ans — qui, chaque année, partent en opération et parfois ne reviennent pas.

Emmanuel Macron a immédiatement pris la défense de son haut gradé : « Ce discours a été tronqué. On en a extrait une formule pour effrayer, pas pour éclairer. » Depuis Johannesburg, le président a réaffirmé sa confiance absolue en Fabien Mandon, rappelant un principe constitutionnel : « Le chef des armées, c’est le président de la République. »

Une réalité que personne ne veut voir

Le malaise suscité par ces mots révèle un décalage profond entre l’opinion publique et la réalité géostratégique. Alors que la Russie renforce ses capacités militaires, que l’OTAN se redéploie à l’Est, et que l’Ukraine résiste à un assaut sans précédent, la France se retrouve confrontée à une question taboue : serait-elle prête à payer le prix du sang pour sa sécurité ?

Le général Mandon ne répond pas à cette question — il la pose. « Le rôle de cette intervention, c’était d’alerter et de se préparer », a-t-il précisé dans C à vous. Et de souligner : « Le contexte se dégrade rapidement. »

Une stratégie nationale en pleine mutation

La Revue nationale stratégique 2025 ne laisse place à aucune ambiguïté. Le document, validé par l’Élysée cet automne, prévoit explicitement un scénario de « conflit de haute intensité » à proximité de l’Europe d’ici 2030. Attaques hybrides, cybermenaces, manipulations d’information : la guerre moderne ne se limite plus aux tranchées.

Pour y faire face, la France accélère. Budget de défense porté à 413 milliards d’euros sur sept ans, modernisation des Rafale, renforcement des stocks de munitions, et bientôt un service militaire volontaire ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans.

« De nombreux voisins européens réintroduisent le service national », a rappelé Fabien Mandon. Une tendance que Paris observe de près — sans exclure d’en tirer les conséquences.

Une armée forte, mais pour combien de temps ?

Emmanuel Macron ne cesse de le marteler : « Nous avons l’armée la plus efficace d’Europe. » Une assertion étayée par des opérations réussies en Afrique, une dissuasion nucléaire intacte, et une industrie de défense compétitive.

Mais l’efficacité seule ne suffit plus. Dans un monde où les conflits s’emboîtent comme des poupées russes, la résilience nationale passe aussi par l’adhésion du peuple. Et c’est précisément ce lien que le général Mandon tentait de réparer — en appelant à une lucidité collective, aussi douloureuse soit-elle.