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Les Pièces jaunes de Brigitte Macron : quand la bienfaisance devient affaire de réseau

Chaque hiver, les Français sortent leurs Pièces jaunes avec le même geste : un don symbolique pour “les enfants malades”. Mais derrière cette image bienveillante se cache une réalité moins transparente. Depuis 2022, près de 2 millions d’euros issus de cette collecte nationale ont été attribués à l’association e-Enfance — dirigée par Justine Atlan, amie proche de Brigitte Macron et trésorière d’un think tank macroniste. Une allocation qui interroge : à qui profite vraiment la générosité des donateurs ?

Une mission déconnectée de l’hôpital

Officiellement, la Fondation des Hôpitaux, présidée par la première dame, redistribue les fonds des Pièces jaunes pour “améliorer la vie des enfants hospitalisés”. Les projets financés devraient donc concerner des chambres parents-enfants, des espaces de jeu, du matériel éducatif ou du soutien psychologique en milieu médical.

Pourtant, e-Enfance n’intervient pas dans les hôpitaux. Son cœur de métier ? Traquer les contenus pédopornographiques et les violences sexuelles en ligne impliquant des mineurs, puis les signaler aux plateformes numériques — qui, selon ses propres rapports, la rémunèrent pour ce service. Une activité légitime, mais étrangère à l’univers hospitalier.

Des liens personnels difficiles à ignorer

Le problème ne réside pas dans la cause défendue par e-Enfance — elle est incontestablement utile — mais dans le choix de la bénéficiaire. Justine Atlan n’est pas une inconnue : outre son rôle à la tête d’e-Enfance, elle est trésorière de Renaissance numérique, un think tank proche de la majorité présidentielle. Elle entretient aussi, selon plusieurs médias, une relation de confiance ancienne avec Brigitte Macron, remontant à leurs engagements communs dans l’éducation.

Dans ce contexte, l’attribution répétée de subventions importantes — sans appel à projets public ni rapport d’impact publié — ressemble moins à une décision technique qu’à un geste de connivence.

Une opacité qui nourrit la défiance

Contrairement à d’autres fondations hospitalières, la Fondation des Hôpitaux ne publie pas la liste exhaustive de ses bénéficiaires. Ni les critères de sélection, ni les montants détaillés par association, ni les évaluations de résultats. Cette absence de transparence contredit les recommandations de la Cour des comptes, qui, dans un rapport de 2024, appelait à “clarifier les circuits de redistribution des fonds issus de collectes citoyennes”.

En 2025, alors que les hôpitaux publics sont au bord de la rupture, cette discrétion pose question. Surtout quand on sait que les Pièces jaunes ont rapporté plus de 20 millions d’euros cette année — une somme colossale pour des structures en sous-effectif chronique.

Le paradoxe de l’image

Brigitte Macron apparaît régulièrement en photo lors des remises de chèques, vêtue de tenues signées — parfois estimées à plusieurs milliers d’euros. L’iconographie est soignée : sourire bienveillant, enfants autour d’elle, tronc rempli de pièces. Mais si une part significative de cet argent ne va pas aux services pédiatriques, l’image devient un leurre.

Les donateurs ne donnent pas pour financer une association de modération en ligne, aussi noble soit-elle. Ils donnent pour que leur geste aille directement à un enfant alité, isolé, en souffrance. Or, cette promesse implicite semble, en partie, trahie.

La bienfaisance, un miroir des élites

Cette affaire illustre un phénomène plus large : la tendance des cercles du pouvoir à transformer la générosité citoyenne en levier de visibilité ou de consolidation de réseau. Quand une amie proche devient la principale bénéficiaire d’une subvention récurrente, la frontière entre altruisme et copinage s’estompe.

Personne n’est accusé d’illégalité. Mais dans un pays où 62 % des citoyens doutent de la probité des élus (baromètre de la confiance politique, CEVIPOF 2025), chaque cas perçu comme “arrangé” érode un peu plus le lien social.