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Pourquoi votre mairie paie-t-elle une cafetière 160 € au lieu de 60 € ?

À Pontoise, en 2024, une simple cafetière de bureau a déclenché une onde de choc dans le monde des achats publics. La maire Stéphanie Von Euw s’aperçoit que l’appareil, pourtant identique à celui vendu en grande surface à 60 €, a été facturé 160 € via une centrale d’achat officielle. Ce cas, loin d’être exceptionnel, met en lumière un système opaque où les fournitures administratives coûtent souvent bien plus cher qu’elles ne le devraient.

Un écart de prix qui n’a rien d’anecdotique

En comparant d’autres références, l’élue découvre un schéma récurrent : bouilloires, vidéoprojecteurs, tablettes ou étiqueteuses sont systématiquement surévalués. Une bouilloire Moulinex à 35 € chez le fabricant grimpe à 60 € après passage par un grossiste puis par l’Ugap. Un vidéoprojecteur affiché à 739 € sur les sites grand public atteint 1 035 € dans le catalogue réservé aux administrations.

@ouestfranceC’est une machine à café que la maire de Pontoise utilise tous les jours, dans son bureau, mais dont elle n’a toujours pas digéré le prix. L’appareil commandé dans un catalogue dédié aux collectivités et administrations a provoqué un déclic… 💸 📎Retrouvez la vidéo complète en lien dans la bio.

♬ son original – ouestfrance

Ces écarts ne relèvent pas d’une erreur logistique, mais d’un mécanisme structuré : la double — voire triple — marge appliquée par les intermédiaires. « C’est la grande arnaque », résume la maire. Et ce sentiment est partagé par de nombreux élus confrontés à des budgets contraints.

Des milliards gaspillés chaque année

La commande publique représente plus de 230 milliards d’euros annuels en France. Dans ce contexte, même un écart modeste sur des milliers de produits génère des surcoûts massifs. L’Inspection générale des finances estime qu’au moins 5 milliards d’euros pourraient être économisés chaque année en rationalisant les achats des collectivités.

Pourtant, les maires n’ont souvent pas le choix. Au-delà de 40 000 €, le code de la commande publique oblige à passer par une centrale comme l’Ugap — même si les tarifs sont moins compétitifs que ceux du marché privé.

L’Ugap, entre défense et remise en cause

L’Ugap, principal opérateur d’achat de l’État, gère près de 6,9 milliards d’euros de commandes par an. Son directeur général, Edward Jossa, affirme que les prix sont « globalement compétitifs » et insiste sur des gains ponctuels — comme les stylos Stabilo, 36 % moins chers via sa plateforme. Mais cette logique « panier global » ne convainc plus les élus locaux.

Le député Philippe Vigier va même plus loin : « Si cela ne tenait qu’à moi, je supprimerais l’Ugap. » Le sénateur Simon Uzenat pointe, lui, l’absence totale de stratégie politique pour piloter ces dépenses.

Le gouvernement réagit — enfin

Saisi de la polémique, le ministre délégué aux Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a lancé une mission d’inspection. « Plus cher que le supermarché ? Ça questionne », reconnaît-il. Et il martèle : « L’efficacité des achats publics, c’est un enjeu de bonne gestion des deniers publics. »

Alors que le rapport de l’Inspection générale des finances devrait alimenter un débat plus large, une chose est claire : chaque cafetière surfacturée érode un peu plus la confiance des citoyens dans l’administration.