L’Assemblée vote contre l’accord franco-algérien : Mélenchon crie à la provocation
Un vote au Palais Bourbon fait vibrer la diplomatie franco-algérienne. En appelant à la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968, une résolution adoptée par l’Assemblée nationale a déclenché une vive polémique. Jean-Luc Mélenchon, député et leader de La France insoumise, n’y va pas par quatre chemins : selon lui, ce texte est “d’une extrême agressivité envers l’Algérie”. Dans une intervention vidéo publiée sur X, il dénonce une initiative qui rouvre les plaies d’un passé colonial encore sensible — et menace les liens entre deux peuples profondément entrelacés.
Qu’est-ce que l’accord franco-algérien de 1968 ?
Signé six ans après l’indépendance de l’Algérie, cet accord bilatéral encadre les droits des ressortissants algériens en France. Il prévoit notamment des dispositions spécifiques en matière de séjour, de travail, de sécurité sociale et de regroupement familial — des règles plus souples que celles applicables à d’autres nationalités non européennes.
Contrairement à une idée reçue, ce texte n’offre pas un “régime de faveur” absolu. Il a été amendé à plusieurs reprises, notamment en 1994 avec l’introduction du visa obligatoire, puis en 2012 dans le cadre d’un protocole de coopération. Aujourd’hui, il coexiste avec la législation européenne et les lois françaises sur l’immigration. Pourtant, il reste un symbole — et c’est justement ce symbole que la résolution votée en 2025 cherche à briser.
Pourquoi ce vote maintenant ?
La résolution n’a pas de valeur juridique : seul le gouvernement peut dénoncer un traité international. Mais elle porte un message politique fort. Portée par des députés de la majorité présidentielle et soutenue par la droite, elle s’inscrit dans un contexte de durcissement du discours sur l’immigration en France.
Les promoteurs de ce texte affirment vouloir “harmoniser” les règles migratoires. Selon eux, les Algériens bénéficieraient de conditions “trop favorables” par rapport à d’autres ressortissants étrangers. Derrière cette logique se cache aussi une volonté de répondre à une frange de l’opinion publique sensible aux discours identitaires — un calcul électoral à l’approche des échéances européennes et locales.
Pourtant, cette démarche ignore une réalité démographique : près de 800 000 Français sont d’origine algérienne. Beaucoup sont nés en France, d’autres ont grandi entre les deux rives de la Méditerranée. Pour eux, remettre en cause cet accord, c’est aussi remettre en cause une part de leur histoire familiale.
La riposte de Mélenchon : entre mémoire et diplomatie
“Il est urgent de tourner la page de la violence”, lance Mélenchon avec solennité. Selon lui, ce vote “envoie un signal extrêmement douloureux”, surtout pour les Français d’origine maghrébine qui vivent déjà sous la pression d’un discours public souvent stigmatisant.
Il accuse les partisans de la résolution de cultiver “une nation revancharde et haineuse”, incapable de construire une relation apaisée avec ses anciennes colonies. Pour lui, ce n’est pas une question de “privilèges”, mais de reconnaissance mutuelle et de respect historique. “On ne construit pas l’avenir en réécrivant le passé avec la haine”, martèle-t-il.
Sa position rejoint celle d’universitaires, d’associations et de diplomates discrets, qui redoutent une dégradation des relations France-Algérie. Alger, déjà méfiant vis-à-vis de Paris depuis la crise des visas de 2021, pourrait y voir un affront. Des représailles sont possibles : restriction des départs de ressortissants en situation irrégulière, gel de la coopération sécuritaire ou refus de renouveler certains accords sectoriels.
Un débat qui dépasse les frontières
Ce vote ne concerne pas seulement l’Algérie. Il interroge la place de la mémoire coloniale dans la politique étrangère française. Il met en lumière une tension persistante entre souverainisme et multilatéralisme, entre fermeture et ouverture.
Et surtout, il pose une question simple mais cruciale : peut-on moderniser la politique migratoire française sans sacrifier le dialogue avec les pays du Sud ?
Car si l’objectif affiché est la “réforme”, les moyens choisis relèvent souvent de la provocation. Et dans un monde où chaque geste diplomatique est scruté, un simple vote symbolique peut avoir des répercussions bien réelles.
Et après ?
Le gouvernement reste silencieux, mais les pressions s’accumulent. L’Élysée doit désormais naviguer entre les attentes sécuritaires d’une partie de l’opinion et les impératifs de stabilité régionale. Car en Méditerranée, la France ne peut se permettre de briser un partenariat avec l’Algérie — un acteur clé dans la lutte contre les trafics, la gestion des flux migratoires et la sécurité au Sahel.
Pendant ce temps, le débat continue. Dans les cafés de Marseille, les salles de classe de Lyon, les forums en ligne ou les tribunes parlementaires. Parce que l’accord franco-algérien de 1968 n’est pas qu’un texte juridique. C’est aussi un miroir de ce que la France veut être : un pays tourné vers l’apaisement… ou vers le ressentiment.
