Actu

Algérie 2025 : le bras de fer des réparations coloniales s’engage contre la France

À quelques jours de la fin de l’année, Alger se transforme en épicentre d’un débat qui agite les relations franco-africaines depuis des décennies. Les 30 novembre et 1er décembre 2025, une conférence internationale sur les « crimes du colonialisme en Afrique » se tiendra sous l’égide du président Abdelmadjid Tebboune. Son objectif ? Structurer une demande officielle de réparations financières adressée notamment à la France — mais aussi au Royaume-Uni, à la Belgique et à l’Allemagne.

Une revendication qui prend une tournure institutionnelle

Si les appels à la réparation existent depuis les indépendances des années 1960, cette initiative marque une rupture. Elle ne se contente plus de discours symboliques : elle vise à établir un mécanisme africain permanent capable de traduire en actes juridiques concrets la responsabilité historique des puissances coloniales.

Des juristes, des historiens et des représentants gouvernementaux y discuteront de la criminalisation du colonialisme, des traumatismes intergénérationnels, et surtout des modalités de versement de compensations financières. En 2020, un universitaire avait déjà chiffré la dette coloniale de la France à près de 100 milliards d’euros. Ce montant pourrait ressurgir comme référence dans les négociations à venir.

Pourquoi Alger ? Pourquoi maintenant ?

L’Algérie n’agit pas par hasard. Le pays, qui entretient des relations tendues mais stratégiques avec Paris, cherche à renforcer sa position diplomatique sur la scène africaine. En portant ce thème en 2025 — année officiellement dédiée aux « réparations pour les Africains et leurs descendants » —, Tebboune s’offre une tribune continentale.

La presse algérienne salue déjà l’événement comme un « tournant historique ». Pourtant, cette initiative coïncide avec un contexte tendu : la France continue de verser des millions d’euros d’aide au développement, tout en négociant des accords migratoires complexes. En retour, elle reçoit rarement reconnaissance — et souvent critiques.

Un récit historique fragmenté

Le débat sur les réparations postcoloniales reste profondément polarisé. D’un côté, les spoliations, les exactions et la destruction de patrimoines culturels sont documentées et condamnables. De l’autre, des éléments historiques sont systématiquement gommés.

La colonisation française a aussi permis l’émergence d’un État moderne en Algérie, la construction d’hôpitaux, d’écoles, de routes, et le développement de l’agriculture et de l’industrie. L’espérance de vie a bondi. En 1962, un ministre syrien déclarait même que l’« œuvre de la France était admirable ».

Et l’Empire ottoman dans tout ça ?

Curieusement, aucun pays africain ne réclame de réparation à la Turquie — pourtant ancienne puissance coloniale en Afrique du Nord dès le XVIe siècle. L’Empire ottoman a régné sur l’Algérie pendant plus de trois siècles, souvent par la force.

Pourquoi cette amnésie sélective ? La question ne relève pas seulement de l’histoire, mais de la géopolitique contemporaine. Elle révèle que les demandes de réparation financière répondent autant à des calculs diplomatiques qu’à un souci de justice historique.

Et les victimes françaises ?

Pendant qu’Alger exige reconnaissance pour les siens, aucune voix officielle n’évoque les milliers de civils français massacrés par le FLN entre 1954 et 1962. Ni les harkis, ces Algériens pro-français abandonnés puis tués après l’indépendance. La France, elle, continue de payer — sans jamais être remerciée.

Plus elle s’excuse, plus elle est accusée. Dans ce jeu de miroirs mémoriels, les réparations coloniales deviennent moins une question de justice que d’influence. Et Alger, en 2025, joue une carte risquée — mais potentiellement lucrative.