Actu

Jordan Bardella et l’économie : quand les promesses dépassent la réalité

Il suffit parfois d’une phrase pour révéler un gouffre. « Une taxe peut redonner du pouvoir d’achat aux Français » : voilà ce qu’a déclaré Jordan Bardella, président du Rassemblement national, lors d’une récente intervention médiatique. Derrière ce raccourci s’ouvre une brèche bien plus large — celle d’une vision économique simpliste, voire erronée, qui se répète avec une troublante constance.

La taxe magique qui remplit les poches ?

En économie, une taxe est un prélèvement obligatoire. Elle peut financer des services publics, corriger des externalités (comme la pollution), ou redistribuer les revenus. Mais elle ne crée pas de richesse. Affirmer qu’elle redonne du pouvoir d’achat, sans préciser comment les recettes sont réinjectées, relève soit de la confusion, soit d’un habile tour de passe-passe rhétorique.

Dans le cas de Bardella, il s’agissait de justifier une hausse de prélèvements sur certaines entreprises pour, prétendument, soulager les ménages. Sauf qu’aucun mécanisme concret n’a été exposé. Aucune évaluation d’impact. Aucune mention des risques de répercussion sur les prix ou l’emploi. Rien. Juste une formule qui sonne bien — mais qui ne tient pas debout.

Un catalogue de maladresses économiques

Ce n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs années, Bardella accumule les approximations dès qu’il s’agit de chiffres, de budgets ou de mécanismes macroéconomiques.

En janvier 2024, il affirmait sur France 2 que « la France n’a jamais autant exporté ». Or, les données officielles de la Banque de France et de l’Insee démontrent le contraire : le solde commercial reste profondément déficitaire, avec un trou de plus de 90 milliards d’euros en 2023. Exporter plus ne suffit pas si l’on importe encore plus.

En septembre 2023, il proposait de « supprimer la TVA sur l’électricité pour tous ». Une mesure populaire en apparence, mais dont le coût — estimé à 7 à 8 milliards d’euros annuels — n’a jamais été compensé dans ses discours. Où trouver cet argent ? Faut-il creuser le déficit, augmenter d’autres impôts, ou couper dans la santé, l’éducation, la justice ? Silence radio.

Et en mars 2025, face à la montée des taux d’intérêt, il minimisait l’impact de la dette publique en disant qu’« elle ne coûte presque rien ». Pourtant, le service de la dette a dépassé les 60 milliards d’euros cette même année — un record absolu, selon le ministère de l’Économie. Ignorer ce fardeau, c’est faire comme si l’argent public poussait sur les arbres.

Expérience ou absence d’expérience ?

On pourrait excuser quelques maladresses si elles venaient d’un novice. Mais Bardella se présente comme un futur premier ministre, voire plus. Or, son parcours est exclusivement politique : assistant parlementaire à 18 ans, élu local à 21, député européen à 23, président de parti à 27. Jamais il n’a travaillé dans une entreprise, jamais géré une trésorerie, jamais négocié un contrat commercial ou salarial.

Cela ne disqualifie pas en soi. Mais cela rend d’autant plus essentiel de s’appuyer sur des experts, des études, et une rigueur intellectuelle. Or, trop souvent, ses propositions semblent calibrées pour les réseaux sociaux, pas pour les réalités du terrain.

 

Les citoyens méritent de la clarté, pas du folklore économique

En période d’inflation, de stagnation du salaire réel et de pression fiscale, les Français ont besoin de solutions réalistes — pas de slogans qui se cassent la figure à la moindre vérification. L’économie n’est pas une question de communication, mais de compétence, de cohérence, et de responsabilité.

Quand un leader politique joue avec les notions les plus fondamentales — pouvoir d’achat, fiscalité, dette, commerce extérieur — il ne trompe pas seulement les experts. Il désarme la démocratie elle-même.