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Choc culturel : 70 % des discothèques fermées, les jeunes préfèrent TikTok à la piste de danse

La musique pulse, les lumières stroboscopiques s’activent, mais la piste de danse reste vide. Depuis les années 1980, plus de 70 % des discothèques françaises ont définitivement baissé leur rideau. Une hécatombe silencieuse, accélérée par un changement radical de comportement chez les jeunes. Fini le rendez-vous du samedi soir en boîte de nuit. Aujourd’hui, ils restent chez eux, casque sur les oreilles, à jouer en ligne ou à tourner des vidéos pour TikTok. Ce n’est plus une tendance : c’est une révolution des loisirs. Et elle redessine complètement la sociabilité des nouvelles générations.

Un effondrement progressif mais irréversible

Dans les années 80 et 90, la discothèque était un passage obligé de l’adolescence. Un lieu de rencontre, de libération, de transgression. Aujourd’hui, ce modèle vacille. Selon une enquête du Ministère de la Culture et des données relayées par Le Parisien, le nombre de clubs a chuté de plus de 70 % depuis trois décennies. En 1990, la France comptait environ 3 500 établissements autorisés à danser après minuit. En 2025, ils sont moins de 1 000.

Les raisons sont multiples : coûts d’exploitation élevés, réglementation stricte sur le bruit et les horaires, sécurité renforcée, mais surtout, un désintérêt croissant des jeunes. Les gérants d’anciens temples de la nuit comme Le Queen à Paris ou l’Eden à Marseille racontent la même chose : « On ne voit plus les 18-25 ans. Ils ne viennent plus. »

Le virage numérique des nouvelles générations

Les témoignages des parents sont éloquents. Comme le rapporte un gérant de club interrogé par la presse, « quand je demande aux parents, ils me disent que leurs enfants sont dans leur chambre, à jouer à la console ou à faire des TikTok ». Un constat partagé par les sociologues : les espaces de sociabilité se sont déplacés du physique au numérique.

Les adolescents ne fuient pas la convivialité. Ils la redéfinissent. Plutôt que de sortir, ils streament ensemble sur Twitch, participent à des concerts virtuels dans des jeux comme Fortnite, ou créent des contenus sur les réseaux sociaux. Leur vie sociale se joue dans les commentaires, les duos, les défis en ligne. Pour eux, TikTok n’est pas un réseau social, c’est un lieu de vie.

Cette mutation a été accélérée par la pandémie, mais elle était en marche bien avant. Les jeunes d’aujourd’hui sont nés avec le numérique. Pour eux, danser seul devant son téléphone peut être aussi gratifiant que de le faire sous les spots d’un club bondé.

Une crise économique pour les lieux de nuit

L’effondrement de la fréquentation a des conséquences dramatiques. Des dizaines de salariés — DJs, videurs, techniciens, barmen — ont perdu leur emploi. Des villes entières, comme Deauville, Biarritz ou Montpellier, ont vu disparaître leurs derniers clubs emblématiques. Certaines municipalités tentent de réagir en créant des nuiteries ou des espaces de nuit étudiante, mais ces initiatives restent marginales.

Les associations du secteur, comme Syndicat des musiques actuelles (SMA), alertent sur un risque de désertification culturelle. « La boîte de nuit, c’est aussi un lieu d’éducation à la musique, à l’autonomie, à la gestion des émotions », explique un responsable culturel. « On ne peut pas laisser ce patrimoine disparaître. »

Et pourtant, la danse ne meurt pas

La danse, elle, est plus vivante que jamais. Elle s’est simplement délocalisée. Les chorégraphies de TikTok font le tour du monde en quelques heures. Des millions de jeunes s’entraînent, se filment, s’inspirent. Des batailles de danse se déroulent désormais en ligne. Des collectifs urbains émergent, organisant des flash mobs dans les rues, loin des clubs.

Certains clubs tentent de s’adapter. À Lyon, un établissement a lancé des soirées « sans alcool, sans fumée, avec live TikTok » pour attirer les adolescents. À Lille, un autre propose des sessions de jeu vidéo en soirée, mêlant bornes d’arcade et DJ set. L’idée est claire : il faut réinventer le club pour qu’il retrouve sa place dans la culture jeunesse.

Quel avenir pour la nuit ?

Le défi est colossal. Il ne s’agit pas de ramener les jeunes en boîte comme avant, mais de comprendre leurs nouvelles attentes. Le besoin de lien, de divertissement, de dépaysement existe toujours. Il faut juste le servir autrement.

Peut-être que le club de demain sera hybride : à la fois physique et numérique, ouvert aux pratiques libres, inclusif, connecté. Peut-être qu’il ressemblera moins à un temple de la musique qu’à un espace de création collective. Une chose est sûre : la nuit ne disparaîtra pas. Elle évolue. Et ceux qui sauront l’accompagner dans ce changement écriront la prochaine page de la culture française.