Une feuille de salade, une vie brisée : le combat inattendu de Marie-Line contre Grand Frais
Un simple déchet au sol. Une seconde d’inattention. Et pourtant, ce jour-là, en octobre 2024, tout s’est effondré pour Marie-Line, une femme de 58 ans de Givors. Pas de chute depuis un échelle, pas de sol mouillé par une fuite — juste une feuille de salade pourrie, oubliée dans un couloir de Grand Frais. Elle n’a pas vu l’obstacle. Elle a glissé. Et ce n’était pas qu’une simple chute. C’était le début d’un cauchemar judiciaire et médical qui ne s’est toujours pas terminé.
Le jour où la vie a basculé
Marie-Line faisait ses courses comme chaque semaine. Elle traversait le rayon des produits frais, sans se douter que l’issue de sa journée dépendrait d’un légume abandonné. La chute fut violente. Deux clientes l’ont aidée à se relever, mais la douleur était immédiate. Elle a signalé l’incident à la caisse, puis est partie en boitant, accompagnée de son compagnon. Aux urgences, le diagnostic a été sans appel : fracture du cuboïde, entorse majeure, atteinte cervicale. Plâtrée, immobilisée pendant sept semaines, elle a perdu son emploi. Son conjoint, lui, a dû suspendre son activité pour s’occuper d’elle et de leurs deux enfants — dont un est en situation de handicap.
Les cicatrices invisibles
La rééducation a duré des mois. Les douleurs persistent. En 2025, elle reprend le travail à mi-temps, mais chaque pas est une épreuve. « Je marche une demi-heure, après j’ai très mal », confie-t-elle. Ce n’est pas seulement une blessure physique. C’est une perte d’autonomie, une rupture dans le rythme de la vie familiale, une honte de devoir demander de l’aide pour les gestes les plus simples. Le poids psychologique est aussi lourd que le plâtre.
Le silence du magasin et la disparition des preuves
Grand Frais n’a jamais fourni le constat d’assurance. Les images de vidéosurveillance, pourtant obligatoires dans les lieux publics, ont été effacées. Un employé affirme que le sol est nettoyé régulièrement — sans pouvoir le justifier. La direction, elle, reste muette. Face à ce manque de transparence, Marie-Line a décidé de saisir la justice. Mais ce n’était pas un choix facile. C’était un dernier recours.
Une décision qui a choqué
En 2025, le tribunal a rendu une décision inédite : il a jugé la responsabilité de l’enseigne « incertaine ». Et c’est Marie-Line — la victime — qui a été condamnée à payer 3 000 euros de dommages et intérêts, plus les frais d’avocat. Pour elle, c’est une double peine. « J’ai été blessée, puis punie », résume-t-elle. Cette sentence a suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Des milliers de commentaires demandent : pourquoi la victime paie-t-elle pour la négligence d’un grand groupe ?
Le 20 novembre : un nouveau chapitre
Un nouveau référé est prévu le 20 novembre 2025. Marie-Line espère que cette fois, la justice reconnaîtra la négligence manifeste dans l’entretien des sols. Son combat n’est pas contre un magasin. Il est contre une culture du déni. Dans les grandes surfaces, les sols sont des zones à risque. Les employés sont surchargés. Les protocoles de nettoyage sont souvent mal appliqués. Et les clients — souvent des personnes âgées, des parents avec poussettes, des personnes à mobilité réduite — sont les premières victimes.
Un enjeu bien plus large que la salade
Derrière cette affaire, il y a un constat inquiétant : les victimes d’accidents dans les espaces commerciaux peinent à obtenir réparation. Les preuves disparaissent. Les témoins sont peu nombreux. Les assurances se défendent avec des arguments techniques. Et les particuliers, sans moyens, se retrouvent isolés. Marie-Line n’a pas cherché à se faire payer. Elle a voulu qu’on reconnaisse que ce qui s’est passé n’était pas normal. Que personne ne devrait payer pour une feuille de salade oubliée.
