CNews et la fabrique des peurs : quand un reportage sur les kebabs révèle une crise de confiance médiatique
Le 27 novembre 2025, France 2 diffusait un épisode de Complément d’enquête sur l’influence grandissante de CNews. À travers le témoignage d’un couple de retraités de Clermont (Oise), l’émission expose un phénomène inquiétant : la substitution du réel par un récit médiatique répétitif, biaisé, mais perçu comme vérité absolue.
Une dépendance médiatique aux relents identitaires
Chaque matin, ce couple consacre 90 minutes à CNews. Leur routine d’information ne laisse aucune place à la confrontation des points de vue. Ce jour-là, la chaîne revient cinq fois sur un même sujet : « Il y a trop de kebabs en France ».
Le mari affirme sans nuance : « Clermont, c’est déjà trop », et déplore une prétendue « perte de la gastronomie française ». Une affirmation relayée comme une évidence — sans vérification, sans contexte.
📺“Maintenant, on ose un peu plus parler de ce qui se passe en France. Alors qu'avant, ça restait sous le tapis”. Depuis qu’ils ont découvert CNews, ces retraités passent chaque matin une heure et demie devant leur télé. #Complementdenquete 👉https://t.co/vebCTfSWVE pic.twitter.com/VHgMld1Hkw
— Complément d'enquête (@Cdenquete) November 27, 2025
Des chiffres qui contredisent le récit médiatique
Pourtant, selon une étude citée dans le reportage, le nombre de kebabs en France est stable depuis dix ans : environ 9 500 établissements. À titre comparatif, la France compte 15 000 pizzerias et plus de 62 000 restaurants traditionnels. Le « problème des kebabs » n’existe donc pas sur le plan statistique.
CNews en 2025 : leader d’audience, cible des régulateurs
Avec 4 % de parts de marché en octobre 2025, CNews devance BFMTV, LCI et France Info. Mais cette montée en puissance s’accompagne d’un ciblage accru de l’Arcom, qui critique régulièrement la chaîne pour son « manque de rigueur », son « déséquilibre éditorial » et ses relents de désinformation.
Pourquoi ce public adhère-t-il ?
Les retraités expliquent que CNews « parle de ce qui se passe vraiment ». Selon eux, les autres médias « ignorent l’immigration », « évitent la laïcité », « ne disent pas la vérité ». Cette perception, bien qu’éloignée des faits, révèle une crise de confiance profonde envers les médias traditionnels.
Une viralité révélatrice de tensions sociales
Sur les réseaux, les réactions oscillent entre consternation et colère. Le terme « racisme décomplexé » revient souvent. D’autres soulignent l’effet des bulles médiatiques sur les seniors, souvent isolés et vulnérables à la désinformation douce.
- « On instrumentalise la cuisine pour semer la peur. »
- « Ce n’est pas les kebabs qu’ils détestent, c’est ce qu’ils représentent pour eux. »
- « À force de répéter, même l’absurde devient crédible. »
Ce cas n’est pas isolé. Il illustre comment les chaînes d’info en continu peuvent façonner non seulement l’opinion, mais aussi la réalité vécue — à coups de rediffusions obsessionnelles et de sujets sensationnalistes.
