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Crise médiatique : France 2 supprime une séquence explosive sur CNews après l’intervention de l’Arcom


Un revirement institutionnel a forcé France 2 à retirer in extremis, jeudi 27 novembre 2025, une séquence clé de son émission « Complément d’enquête » consacrée à la chaîne CNews. Initialement basée sur une étude de Reporters sans frontières (RSF) accusant la chaîne de violer les règles de pluralisme politique, cette partie du reportage a été sacrifiée après que le régulateur Arcom eut publiquement contredit les chiffres avancés. Une décision rarissime, qui met en lumière les tensions entre régulation, journalisme d’investigation et surveillance du paysage médiatique.

L’étude de RSF qui a fait basculer l’antenne


Mercredi, RSF publiait une analyse détaillée du temps de parole politique sur les chaînes d’information en continu, portant sur le mois de mars 2025. Selon ses données, CNews aurait systématiquement relégué les représentants de gauche — La France insoumise, le Parti socialiste, les écologistes — aux tranches nocturnes (00h–07h), où leur présence atteindrait 60,1 %. En contrepartie, l’extrême droite (RN, Philippe de Villiers) dominerait le prime time avec 40,6 % du temps d’antenne politique, contre à peine 1,6 % la nuit.

L’ONG, qui a utilisé un outil automatisé pour analyser plus de 700 000 bandeaux d’antenne, accusait CNews de « tricher » avec les règles de l’équilibre éditorial, et annonçait son intention de saisir l’Arcom.

L’Arcom dément, France 2 recule

Mais jeudi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a rendu public ses propres constats : après examen des mêmes périodes, elle affirme n’avoir « constaté aucun contournement des règles du pluralisme politique » sur CNews en mars 2025. Pire, selon ses calculs, les partis de gauche y seraient même surreprésentés, de jour comme de nuit.

Face à ce démenti officiel à quelques heures de la diffusion, France Télévisions n’a eu d’autre choix que de couper la séquence incriminée. « Nous n’avions pas le temps d’intégrer cet élément contradictoire », a expliqué l’entreprise à l’AFP, confirmant une information du média expert Clément Garin. Un tel retrait, sur une enquête de fond, est exceptionnel dans l’histoire récente de la télévision publique.

Un bras de fer entre légitimités

RSF refuse toutefois de battre en retraite. Dans un communiqué, l’ONG maintient « tous ses chiffres et ses conclusions », jugeant que l’Arcom « conteste sans fournir de données précises ». Elle insiste sur le fait que son étude mesurait trois dimensions du pluralisme — pas seulement le temps de parole, mais aussi la tonalité des interventions et la diversité des sujets.

De l’autre côté, Pascal Praud, animateur vedette de CNews, a qualifié l’étude de « manifestement bidon », accusant RSF de biais idéologique. Pour lui, « les méthodes utilisées ne respectent ni la rigueur scientifique, ni l’éthique journalistique ».

Un enjeu démocratique qui dépasse CNews

Cette affaire dépasse le cas d’une seule chaîne. Elle interroge la manière dont on mesure le pluralisme à la télévision, qui détient l’autorité légitime pour le faire, et comment les médias publics traitent les allégations non corroborées par le régulateur. Dans un climat de défiance accrue envers les médias, chaque accusation — ou démenti — peut alimenter la polarisation.

Alors que RSF envisage une saisine formelle de l’Arcom, le débat reste ouvert : le temps de parole politique à la télévision est-il encore un reflet fiable de la diversité démocratique ? Ou s’agit-il d’un miroir déformant, manipulé par les logiques d’audience ?