128 échecs, 3 300 euros et toujours pas de permis : quand le code de la route devient un combat perdu d’avance
Il a tenté 128 fois. Il a dépensé plus de trois mille euros. Il n’a jamais eu son code de la route. Ce n’est pas un fou, ni un outsider. C’est un homme ordinaire, pris dans un système qui ne lui a jamais offert une vraie chance. Son histoire, relayée par The Independent, ne doit pas nous étonner — elle doit nous inquiéter. Parce que derrière chaque échec, il y a une vie qui attend. Et derrière chaque échec répété, il y a un système qui ne change pas.
Un prix élevé pour une porte fermée
Chaque tentative à l’examen théorique au Royaume-Uni coûte 23 livres sterling. Pour ce candidat, cela représente 2 944 livres — plus de 3 300 euros. Une somme qui, dans n’importe quel autre contexte, aurait permis d’acheter une voiture d’occasion, de payer un an de permis de conduire en France, ou même de financer plusieurs mois de cours particuliers. Mais ici, chaque échec était une nouvelle facture. Une dette silencieuse, accumulée avec une obstination qui frise le tragique.
Les chiffres qui révèlent une réalité cachée
La Driver and Vehicle Standards Agency (DVSA) révèle que la personne ayant réussi après le plus grand nombre d’essais l’a fait à la 75e tentative. Un autre candidat, en 2024, a obtenu son code après 21 tentatives. En France, le taux de réussite national à l’examen théorique s’élève à 50,7 % en 2024. Pour l’épreuve pratique, il grimpe à 58,2 %. Ces pourcentages ne sont pas des chiffres abstraits. Ce sont des milliers de candidats qui, chaque année, se retrouvent face à un mur. Sans explication. Sans soutien. Sans seconde chance.

Qui échoue vraiment ? Et pourquoi ?
Les raisons ne sont jamais les mêmes. Certaines sont invisibles : dyslexie, anxiété, troubles de l’attention, manque d’accès à l’information. D’autres sont structurelles : pas d’internet à la maison, pas de livres, pas d’auto-école à moins de 40 kilomètres. L’examen est standardisé. Mais les parcours, eux, ne le sont pas. L’auto-école AA le reconnaît : « Multiplier les tentatives est l’exception », dit-elle. Pourtant, cette exception est de plus en plus nombreuse — et de plus en plus silencieuse.
En France, le même problème, sous d’autres formes
En France, le coût de l’examen théorique est plus bas — entre 30 et 60 euros selon les centres. Mais le vrai coût, c’est ailleurs. Les livres. Les applications. Les heures de cours. Les frais de dossier. Pour un jeune issu d’un quartier populaire, ces dépenses sont souvent insurmontables. Et pourtant, le permis reste une condition sine qua non pour travailler, se déplacer, s’émanciper. Ce n’est pas un loisir. C’est une porte. Et trop de gens n’ont même pas la clé pour la tenter.
Le code de la route : un droit ou un privilège ?
Le système actuel suppose que tout le monde a les mêmes moyens de réussir. Ce n’est pas vrai. L’examen est un QCM de 40 questions. Il ne teste pas la capacité à conduire. Il teste la capacité à mémoriser des règles dans un cadre rigide. Pour certains, c’est un jeu. Pour d’autres, c’est un obstacle insurmontable. Et pourtant, personne ne propose de réformer. Personne ne parle de tests adaptés. Personne ne demande si cette épreuve est vraiment juste.
Le permis de conduire n’est pas un luxe. Il est la clé de l’emploi, de la santé, de la liberté. Pourtant, il reste un filtre social. Un filtre invisible, mais bien réel. Celui qui échoue 128 fois n’est pas un échoué. Il est le miroir d’un système qui ne s’adapte pas.
Quand la persévérance devient un symptôme
La France ne connaît pas encore ce record de 128 échecs. Mais elle connaît les zones blanches où les auto-écoles sont rares, les familles qui renoncent, les jeunes qui attendent des années pour passer leur permis. Elle connaît les taux de réussite qui varient de 30 % à 70 % selon les départements. Elle connaît les inégalités. Mais elle les ignore.
Le candidat britannique n’est pas un cas isolé. Il est le symptôme d’un modèle dépassé. Un modèle qui punit ceux qui ont le plus besoin d’aide. Et qui récompense ceux qui ont déjà les moyens de réussir du premier coup.
Et si la vraie question n’était pas : « Pourquoi n’a-t-il pas réussi ? »
Mais : « Pourquoi le système ne l’a-t-il pas aidé ? »
