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Colonisation, dette morale et identité : le clash mémoriel entre Zemmour et un imam sur l’Algérie

Quand l’histoire devient champ de bataille, chaque mot pèse comme une accusation. Sur les réseaux sociaux, un échange tendu entre Éric Zemmour et Ismael, un imam de Marseille, a ravivé une question qui hante la France depuis des décennies : doit-elle reconnaître une dette coloniale envers l’Algérie ?

L’étincelle : une comparaison qui fait mal

Le débat a été relancé par une déclaration de Sarah Knafo, élue de Reconquête. Elle a comparé les liens franco-algériens à un divorce, affirmant que la France « a eu la garde des enfants » — faisant référence aux descendants de l’immigration algérienne — tout en continuant à payer une « pension ». Une image perçue comme humiliante par de nombreux citoyens d’origine algérienne.

L’imam Ismael a réagi avec fermeté : « L’indépendance de l’Algérie n’est pas un divorce. C’est une libération après 132 ans de colonisation, de spoliation foncière et de répression sanglante. » Pour lui, parler de « pension » efface la violence structurelle de l’occupation française en Algérie.

Zemmour : une histoire revisitée

Éric Zemmour est rapidement intervenu, accusant son interlocuteur d’« ignorance historique ». Selon lui, l’armée française n’a jamais été vaincue en Algérie. Il attribue le départ à une décision politique de Charles de Gaulle, non à une défaite militaire. « Le FLN n’a jamais combattu en rase campagne, seulement posé des bombes dans les cafés », affirme-t-il.

 

Il conteste aussi l’idée d’un pillage colonial. « On ne pille pas des marécages », écrit-il, minimisant la richesse préexistante du territoire. Il insiste au contraire sur le rôle de la France dans la mise en valeur des ressources naturelles, notamment le gaz et le pétrole algériens, encore exportés aujourd’hui.

« Qui devrait être reconnaissant ? », conclut-il, inversant radicalement la charge morale.

La réplique de l’imam : mémoire contre révisionnisme

Ismael réfute point par point cette lecture. Il rappelle que l’Algérie précoloniale disposait d’une économie maritime et agraire développée. La colonisation y a imposé un système d’extraction : terres confisquées, main-d’œuvre exploitée, élites locales marginalisées.

Concernant le pétrole, il précise que les gisements étaient connus localement bien avant 1946. La France les a exploités à son profit, sans partager les bénéfices. Quant à la nationalité, il dénonce la métaphore de Zemmour — « l’aigle dans l’écurie » — comme raciste. « La citoyenneté française ne dépend pas de l’origine, mais du droit du sol et de la volonté », souligne-t-il.

Pourquoi ce débat revient-il en 2025 ?

Le contexte politique l’explique. L’Assemblée nationale vient d’adopter une résolution du Rassemblement National visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968. Ces textes encadrent encore les aides sociales, les regroupements familiaux et la coopération culturelle.

Le gouvernement, par la voix du ministre de l’Intérieur, a appelé à la prudence diplomatique. Mais la droite nationaliste y voit une faiblesse. Derrière cette tension, se joue une guerre de mémoire : faut-il considérer la décolonisation comme une rupture honteuse… ou comme une justice tardive ?

Un enjeu bien plus large que l’histoire

Ce débat dépasse les faits. Il questionne la France républicaine : peut-elle inclure pleinement ceux dont les ancêtres ont souffert sous son drapeau ? Peut-elle reconnaître les torts du passé sans s’effondrer ?

Entre mémoire coloniale, politique migratoire et identité nationale, chaque message échangé sur un réseau social devient un symptôme d’une fracture que personne ne sait encore refermer.