Condamnée pour avoir voulu récupérer sa propre maison : le casse-tête judiciaire du squat en France
Elle n’a pas brandi d’arme, ni proféré de menaces. Elle a juste payé quelqu’un pour qu’on lui rende ce qui lui appartenait : sa maison. Pourtant, cette propriétaire girondine a été condamnée à 12 mois de prison avec sursis. Son crime ? Avoir tenté de se faire justice elle-même face à un système perçu comme paralysé.
Le recours désespéré à des « bras armés »
Dans une commune de Gironde, une femme se retrouve dépossédée de son bien immobilier par un squatteur. Après des semaines d’attente sans réponse concrète des autorités, elle verse 5 000 euros à deux individus pour procéder à une expulsion musclée. L’opération fonctionne — mais attire aussitôt l’attention de la police.
En France, même face à une occupation illégale, la loi interdit formellement tout recours à la force privée. Peu importe que le bien soit la propriété légitime de la victime : seule une décision judiciaire suivie d’une intervention d’huissier peut légalement déloger un occupant.
Un verdict qui fait grincer des dents
En mars 2024, le tribunal correctionnel de Bordeaux condamne la propriétaire à 12 mois de prison avec sursis. Les deux hommes engagés écopent, eux, de peines similaires — respectivement 10 et 12 mois avec sursis — après avoir passé trois mois en détention provisoire. Le comble ? Ils doivent aussi verser 1 200 euros de dommages et intérêts… au squatteur.
Cette décision, bien que juridiquement cohérente, a provoqué une vive émotion sur les réseaux sociaux. Des milliers de commentaires dénoncent une injustice institutionnelle, où la victime est punie et l’occupant illégal indemnisé.
Un système en tension face à l’urgence du squat
L’affaire illustre un paradoxe récurrent du droit français : la protection contre les expulsions nocturnes ou hivernales s’applique même aux squatters, par application de la loi de 1971. Résultat : les propriétaires légitimes peuvent attendre des mois, voire des années, avant d’obtenir une expulsion effective.
Face à ce blocage, le gouvernement a mis en place en 2025 un dispositif accéléré anti-squat, permettant aux préfets d’intervenir sous 72 heures dans les cas d’occupation manifestement illégale. Mais cette réforme ne s’applique pas rétroactivement — et ne rassure pas ceux qui ont déjà tout perdu.
Entre légalité et légitimité : où tracer la ligne ?
Cette condamnation soulève une question plus large : que faire quand la loi légitime et la loi écrite entrent en conflit ? Si la justice refuse de cautionner la violence, même dans des situations extrêmes, elle peine à offrir des alternatives rapides et efficaces aux propriétaires désemparés.
L’affaire devient ainsi un symbole : celui d’un État coincé entre le respect absolu des droits individuels et la nécessité de protéger la propriété privée — deux piliers du droit français, pourtant en tension croissante.
