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2,6 milliards gaspillés ? Le paradoxe du financement public de France Télévisions en 2025

Alors que des millions de Français comptent chaque euro, l’État injecte annuellement 2,6 milliards d’euros dans France Télévisions — un groupe dont les programmes ne captent que 3 % de l’audience en soirée. Ce contraste saisissant alimente un débat croissant sur la pertinence, la transparence et l’efficacité d’un financement public massif pour un service de moins en moins suivi.

Un budget colossal face à une désaffection croissante


France Télévisions, établissement public regroupant France 2, France 3, France 5, Franceinfo et d’autres antennes, ne vit plus de la redevance depuis 2023. Mais loin d’avoir réduit ses moyens, son financement a été intégralement transféré au budget de l’État. Résultat : en 2025, il bénéficie de 2,63 milliards d’euros de fonds publics, selon les documents officiels du ministère de la Culture.

Pourtant, l’audience ne suit plus. Selon les derniers rapports de Médiamétrie, la part de marché globale du groupe en prime time (20 h–minuit) plafonne à 3,1 % en moyenne. Certaines émissions politiques ou culturelles rassemblent à peine 200 000 à 400 000 téléspectateurs, quand les grandes chaînes privées enregistrent des audiences dépassant les 4 millions.

2,6 milliards, c’est combien en vies humaines ou en services publics ?

Pour mesurer l’ampleur de cette dépense, quelques équivalences parlent d’elles-mêmes :

  • 2,6 milliards permettraient de verser 52 000 salaires annuels de 50 000 € — de quoi recruter massivement dans l’éducation, la santé ou la police.
  • C’est plus que le budget annuel du ministère de la Jeunesse et des Sports.
  • C’est aussi l’équivalent du financement de plus de 130 centres de soins primaires pendant une année entière.

Dans un contexte de rigueur budgétaire, de suppression de niches fiscales et d’appels à la sobriété, ce financement automatique apparaît de plus en plus comme un archaïsme coûteux.

Le service public : mission sacrée ou modèle dépassé ?

Les défenseurs de France Télévisions invoquent sa mission : garantir une information indépendante, défendre la diversité culturelle, couvrir tout le territoire, et ne pas céder à la logique de rentabilité du privé. Et sur le papier, ces objectifs restent légitimes.

Mais la réalité semble plus nuancée. Des émissions à très faible audience, des coûts de production parfois disproportionnés, et un manque criant de transparence sur l’utilisation des fonds — notamment en matière de rémunérations ou de prestations externes — alimentent un sentiment d’impunité institutionnelle. Sur les réseaux sociaux, des citoyens, journalistes indépendants et économistes relaient massivement des critiques via des hashtags tels que #HoldUpFiscal ou #FranceTele.

Pourquoi ne plus voir ce que l’on paie ?

La suppression officielle de la redevance télé en 2023 a créé une illusion de financement allégé. En réalité, l’État a simplement absorbé cette charge dans le budget général, rendant le coût invisible pour le contribuable. Ce « passage en caisse noire » prive les citoyens d’un débat démocratique essentiel : à quoi sert exactement cet argent, et qui en bénéficie ?

À titre de comparaison, d’autres pays européens ont engagé des réformes profondes. Au Royaume-Uni, la BBC doit justifier chaque dépense devant le Parlement. En Suisse, le montant de la redevance est régulièrement réévalué en fonction de l’usage réel. En France, en revanche, le modèle reste figé dans une logique du XXe siècle.

L’urgence d’une refonte à l’ère du numérique

Les jeunes générations ne regardent presque plus la télévision linéaire. Elles consomment de l’information via des newsletters, des podcasts ou des vidéos courtes. France Télévisions tente de s’adapter avec sa plateforme France.tv, mais celle-ci peine à capter l’attention face à des géants comme YouTube, TikTok ou Netflix.

Plutôt que de maintenir un financement inconditionnel, ne faudrait-il pas envisager un modèle plus agile — par exemple, conditionner une partie de la subvention à des indicateurs de diversité éditoriale, d’impact territorial ou d’engagement citoyen ? Sans cette évolution, le service public risque de devenir un coûteux souvenir.