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Quand un maillot devient une frontière : les Girondins de Bordeaux face à la provocation d’Éric Zemmour

Un sourire. Un maillot bleu et blanc. Une vidéo partagée en quelques secondes. Ce 14 novembre, Éric Zemmour a posé avec le jersey des Girondins de Bordeaux lors d’une dédicace à la librairie Mollat. Un geste anodin pour certains. Une insulte symbolique pour d’autres. Car ce n’était pas qu’un vêtement. C’était une prise de possession. Et le club, ses supporters, son histoire, ont dit non.

Une image qui fait basculer

En apparence, rien de grave. Un homme politique portant un maillot de foot. Mais dans le contexte actuel, l’acte prend une autre dimension. Éric Zemmour, figure emblématique de l’extrême droite française, est régulièrement accusé de xénophobie, de négationnisme historique, et de discours divisants. Qu’il s’affiche avec un symbole aussi fort que celui du FCGB — un club bâti sur la mixité sociale, l’accueil, la résistance — a été perçu comme une forme de récupération. Voire de profanation.

Dès le lendemain, le club réagissait sur X : « Le maillot des Girondins, c’est celui d’un club populaire, ouvert, solidaire et inclusif. Il ne sera jamais l’outil de celles et ceux qui cherchent à diviser. » Un message court. Clair. Sans appel.

Les Ultramarines, gardiens de la mémoire

Le collectif des Ultramarines n’a pas mis longtemps à répondre. Fondé en 1983, il incarne depuis des décennies une culture du stade engagée, antiraciste, anti-fasciste. Dans leur communiqué, ils rappellent sans ambages l’héritage du club : « Notre histoire est faite d’accueil. De solidarité. D’opposition aux régimes oppressifs. »

Pour eux, le maillot des Girondins n’est pas un accessoire. Il est porteur d’une identité collective. Et cette identité, elle ne se négocie pas. Elle se défend. « L’antiracisme et l’antifascisme sont des valeurs que nous portons », affirment-ils. Pas des opinions. Des principes.

Un club qui choisit son camp

Le FCGB n’a pas cité Zemmour. Il n’a pas eu besoin. Son message était universellement compris. En 2025, alors que les clubs de football sont de plus en plus convoités par les mouvements politiques, rester silencieux, c’est consentir. Parler, c’est assumer son ADN.

Et l’ADN des Girondins, c’est celui d’un club inclusif. D’un espace où l’on entre sans être jugé sur sa religion, son origine, sa classe sociale. Où les quartiers populaires, les banlieues, les familles d’immigrés se retrouvent sous les mêmes couleurs. Ce n’est pas un rêve. C’est une réalité. Et c’est précisément cela que Zemmour, par son simple geste, a remis en question.

Football et société : quand le stade devient un miroir

Ce n’est pas la première fois qu’un club français réagit à une instrumentalisation politique. En 2023, le Stade Rennais avait condamné l’utilisation de son logo par un parti d’extrême droite. En 2024, les supporters du RC Lens avaient refusé toute proximité avec des groupes nationalistes.

Le sport, aujourd’hui, n’échappe plus au combat idéologique. Mais il peut aussi en être un rempart. Les Girondins de Bordeaux viennent de le prouver : en protégeant leur maillot, ils ont protégé bien plus que du tissu. Ils ont protégé une communauté.

Des chiffres qui parlent d’une autre France

  • Plus de 40 % des jeunes licenciés au FCGB proviennent de quartiers prioritaires, selon les données du club (2024).
  • Les actions sociales du club touchent chaque année près de 5 000 personnes via des programmes d’inclusion et de prévention.
  • Depuis 2020, les Ultramarines ont organisé plus de 30 opérations de sensibilisation contre le racisme dans les écoles bordelaises.

Ces initiatives ne font pas la une. Mais elles construisent une autre vision du football. Une vision où le ballon rond n’est pas qu’un spectacle. C’est un levier social.

Le vrai match n’est pas sur le terrain

 

Le 14 novembre 2025, personne n’a joué. Personne n’a marqué. Pourtant, un match crucial a eu lieu. Celui des symboles. Celui des valeurs. Et ce jour-là, les Girondins de Bordeaux ont gagné. Pas en buts. En dignité.

Parce que dire non à la récupération, c’est dire oui à l’identité. Parce que protéger un maillot, c’est protéger une mémoire. Et parce que dans une société fracturée, le football peut encore être un lieu d’appartenance. À condition qu’il reste fidèle à lui-même.