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Interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans : une solution radicale mais efficace ?

Emmanuel Macron a annoncé lundi 10 juin 2025 une mesure choc : interdire les réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans. Cette déclaration intervient après un fait divers dramatique à Nogent, en Haute-Marne, où une surveillante a été poignardée par un collégien. Mais cette réponse politique est-elle adaptée au problème ? Et surtout, est-elle réalisable ? Une experte, Sophie Jehel, chercheuse en sciences de l’information à l’université Paris 8, décortique la situation avec lucidité.

Une réaction rapide après un drame tragique

La violence d’un acte isolé peut pousser les gouvernements à agir rapidement. C’est le cas ici avec l’annonce du chef de l’État sur l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans. Cependant, selon Sophie Jehel, établir un lien direct entre ce meurtre et l’usage des plateformes numériques relève de la précipitation.

Pour elle, « il n’existe aucun lien immédiat entre un acte extrême de violence et la consommation de contenu en ligne ». Elle rappelle que les jeunes de 15-16 ans sont de plus en plus nombreux à utiliser ces outils. En moyenne, ils possèdent sept comptes différents sur autant de réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux, un outil de sociabilité incontournable

Les médias sociaux ne sont pas seulement des lieux de divertissement ou de confrontation. Ils constituent avant tout un espace de socialisation essentiel pour les adolescents. Selon une enquête menée en Normandie par Sophie Jehel et son collègue Jean-Marc Monnier, les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la vie affective et sociale des jeunes.

« Les jeunes ne s’y rendent pas par transgression, mais bien pour communiquer, se connecter, partager », explique-t-elle. Une interdiction totale pourrait donc avoir l’effet inverse : rendre ces pratiques clandestines. Ce qui empêcherait toute possibilité d’éducation numérique ou de prévention sérieuse.

Faisabilité : un mur technologique difficile à franchir

En théorie, les grandes plateformes comme Instagram, TikTok ou encore Snapchat interdisent l’accès aux mineurs de moins de 13 ans. En pratique, peu de contrôles sont effectués, et les jeunes créent facilement des profils falsifiés. Alors, comment espérer faire respecter une limite à 15 ans ?

Sophie Jehel souligne que la Commission européenne travaille déjà sur un projet visant à renforcer la protection des mineurs en ligne. L’une des pistes consiste à obliger les plateformes à identifier l’âge des utilisateurs. Mais cela reste complexe à mettre en œuvre à grande échelle.

Plutôt réguler que prohiber

Face à la montée des contenus violents, haineux ou perturbateurs, une approche progressive et régulatrice semble plus réaliste qu’une interdiction brutale. La chercheuse insiste sur l’importance de mieux encadrer les contenus diffusés, plutôt que de priver les jeunes d’un espace de communication majeur.

« Pourquoi imaginer une interdiction radicale alors que des outils de régulation existent déjà et sont en cours de développement ? » demande-t-elle. Rendre les plateformes plus responsables et transparentes serait une piste beaucoup plus prometteuse.