Allocation sociale unique : une réforme qui risque de vider les comptes des plus fragiles
Le gouvernement s’apprête à lancer une réforme majeure du système d’aide sociale. Une seule allocation pour remplacer le RSA, la prime d’activité et plusieurs aides au logement. C’est ce qu’on appelle l’allocation sociale unique. Déposée en décembre, elle est présentée comme une avancée de simplicité. Mais derrière cette promesse d’efficacité, se cache une menace silencieuse : un plafonnement à 70 % du smic, une mesure qui pourrait faire chuter les revenus de millions de ménages.
Le projet en bref : une fusion en vue
Le Premier ministre Sébastien Lecornu l’a annoncé : un projet de loi sur l’allocation sociale unique sera déposé au conseil des ministres en décembre. L’objectif ? Regrouper le RSA, la prime d’activité et certaines aides au logement en un seul versement mensuel. L’idée est ancienne — portée depuis des années par les Républicains — mais cette fois, elle semble sur le point de devenir réalité.
Pour le gouvernement, cette fusion permettrait de réduire les doublons, de simplifier les démarches pour les bénéficiaires, et surtout, de faire des économies sur la gestion administrative. « Il est temps de créer un vrai social.gouv.fr », a déclaré Sébastien Lecornu, évoquant un accompagnement plus personnalisé pour les travailleurs sociaux.
Le piège du plafonnement à 70 % du Smic
Mais la véritable pierre d’achoppement n’est pas la fusion. C’est le plafond.
Les Républicains, notamment Laurent Wauquiez, exigent que cette nouvelle allocation ne dépasse jamais 70 % du smic. Leur objectif ? « Lutter contre l’assistanat » et inciter les bénéficiaires à reprendre un emploi. Pour eux, une aide trop généreuse décourage le travail.
Les associations de solidarité réagissent avec une inquiétude croissante. Elles parlent d’« harmonisation vers le bas ». En clair : des millions de foyers, déjà à la limite, pourraient voir leur revenu mensuel diminuer. En 2018, France Stratégie avait déjà prévenu : à budget constant, une telle réforme pourrait entraîner une baisse de ressources pour 3,55 millions de ménages. Ce chiffre ne ment pas.
Qui est concerné ? Les profils les plus vulnérables
Les perdants potentiels ? Les familles monoparentales vivant en ville. Les personnes âgées isolées avec un logement cher. Les jeunes sans emploi dans les zones à fort coût de la vie. Pour eux, les aides au logement représentent souvent plus de la moitié du budget. Les supprimer ou les intégrer dans un forfait fixe, c’est les exposer à la précarité.
Et pourtant, le système actuel est complexe. Des centaines de milliers de Français ne demandent pas les aides auxquelles ils ont droit. Le taux de non-recours au RSA, à l’ASS ou à l’ALS reste élevé. Simplifier les démarches est une nécessité. Mais simplifier les droits, c’est autre chose.
Une réforme qui divise les experts
Les économistes sont partagés. D’un côté, ceux qui saluent la clarté d’un système unifié. De l’autre, ceux qui dénoncent une réforme conçue pour faire des économies… et non pour protéger.
Le gouvernement affirme que les économies seront réalisées sur la gestion, pas sur les bénéficiaires. Mais les chiffres montrent le contraire. Si l’allocation est plafonnée à 70 % du smic, et que les aides au logement sont absorbées, alors un foyer avec deux enfants en Île-de-France pourrait perdre jusqu’à 200 euros par mois. Sans parler de la perte de flexibilité : aujourd’hui, les aides sont ajustées selon les revenus. Demain, elles seront fixes.
Le débat n’est plus seulement technique. Il est moral. Faut-il encourager le travail en réduisant les aides ? Ou faut-il garantir un minimum vital, même pour ceux qui ne travaillent pas ?
Le calendrier : une réforme qui ne peut plus attendre
Ce projet n’est pas nouveau. Emmanuel Macron l’avait annoncé en 2018. Michel Barnier l’avait programmé pour 2025. François Bayrou l’avait repoussé sans le clarifier. Cette fois, le calendrier est fixé : décembre. Le texte sera déposé. Le débat public va s’engager. Et les Français devront choisir : une administration plus fluide… ou une protection sociale plus juste.
Car derrière le mot « simplification », se cache une question fondamentale : quelle société voulons-nous ? Une société où l’aide est un filet de sécurité… ou une récompense conditionnelle ?
Une réforme sociale qui pourrait faire perdre jusqu’à 200 € par mois à des familles déjà précaires. Le RSA, la prime d’activité et les aides au logement vont-elles disparaître ? Le débat commence.
