Le drame de Marianne Bachmeier : quand une mère abat l’assassin de sa fille en plein tribunal
Le 6 mars 1981, à Lübeck, en Allemagne, une scène inouïe se déroule dans une salle d’audience : une mère se lève, sort un pistolet et abat de sept balles l’homme accusé du viol et du meurtre de sa fille de 7 ans. Ce geste, à la fois brutal et tragique, va marquer durablement l’opinion publique, interrogeant les limites de la justice, du deuil et de la vengeance. L’histoire de Marianne Bachmeier n’est pas seulement celle d’un crime passionnel — c’est un récit glaçant, empreint de douleur, de traumatismes répétés, et d’un système judiciaire mis à l’épreuve.
Qui était Marianne Bachmeier ?
Née en 1950, Marianne Bachmeier a vécu une enfance marquée par la violence. Issue d’un foyer instable — son père, ancien officier de la Waffen-SS, était alcoolique, et son beau-père, violent —, elle subit plusieurs viols à l’adolescence. À 16 ans, elle tombe enceinte, puis une deuxième fois à 18 ans. Incapable d’élever ses deux premiers enfants, elle les donne en adoption.
En 1973, elle donne naissance à Anna, qu’elle décide cette fois de garder. Élevant seule sa fille, elle tente de reconstruire une vie normale. Mais en 1980, tout bascule. Anna disparaît. L’enquête conduit rapidement à Klaus Grabowski, un boucher polonais de 35 ans, déjà condamné pour agressions sexuelles sur mineures.
Le meurtre d’Anna Bachmeier
Klaus Grabowski avoue avoir enlevé Anna, mais nie le viol. Lors de son procès, il affirmera même que l’enfant l’aurait « séduit », et qu’il l’aurait étranglée par peur de retourner en prison. Ces déclarations, absurdes et choquantes, ne font qu’alimenter la colère de la mère.
Le 6 mars 1981, au troisième jour du procès, Marianne Bachmeier, assise dans la salle d’audience, n’en peut plus. Elle sort un pistolet dissimulé dans son sac et tire huit coups. Sept atteignent Grabowski dans le dos. Il meurt sur place.
Un procès qui divise l’Allemagne
Arrêtée immédiatement, Marianne est d’abord inculpée de meurtre. Mais sous la pression de l’opinion publique, l’accusation est requalifiée en homicide involontaire. En mars 1983, elle est condamnée à six ans de prison. Elle en purgera à peine deux ans et demi, libérée en 1985.
L’affaire déclenche un débat national sans précédent. Pour beaucoup, son geste est compréhensible, voire légitime : comment rester passive face à l’impunité apparente d’un pédocriminel ? Pour d’autres, la démocratie exige que la justice suive son cours, quel que soit le crime. Ce clivage persiste encore aujourd’hui.
L’opinion publique, encore partagée
Un récent sondage mené en Allemagne révèle que :
- 28 % des personnes interrogées jugent la peine « appropriée » ;
- 27 % la considèrent « trop lourde » ;
- 25 % estiment au contraire qu’elle était « trop légère».
Le reste du panel reste indécis. Ce chiffre reflète l’ambivalence persistante autour de ce cas tragique.
Un destin brisé au-delà du tribunal
Après sa libération, Marianne Bachmeier s’exile en Sicile, loin des médias et des regards. Elle tente de tourner la page, mais le poids du passé est trop lourd. Elle meurt à Lübeck en 1996, à l’âge de 46 ans, d’un cancer du pancréas. Elle laisse derrière elle une histoire qui continue de hanter les mémoires.
Pourquoi cette affaire reste-t-elle si puissante ?
Parce qu’elle touche à des questions universelles : la protection des enfants, la violence sexuelle sur mineurs, la justice pénale et la douleur des victimes. Dans un contexte où les affaires de crimes sexuels sur mineurs continuent de choquer, le cas de Marianne Bachmeier résonne avec une actualité dérangeante.
Elle incarne aussi une figure tragique de la mère endeuillée, poussée à l’extrême par un système perçu comme défaillant. Son histoire, bien que datant des années 1980, alimente encore les discussions sur la place des victimes dans les procès, la sévérité des peines pour meurtre de mineur et la protection judiciaire des enfants.
