« Ce n’est plus mon fils » : un retraité de 78 ans vit 19 mois dans sa voiture après avoir été chassé par son propre enfant
Il avait tout donné : son toit, sa confiance, sa générosité. En retour, il n’a eu que des serrures changées, des caméras braquées sur sa propre maison, et une porte fermée à double tour — par celui qu’il avait élevé. À Villeneuve-les-Sablons (Oise), Yves Gorse, 78 ans, a connu l’isolement le plus cruel : celui imposé non par un étranger, mais par son propre sang.
L’hébergement qui se transforme en exil
En 2019, face à la détresse de son fils Cyril, sans logement après des impayés, Yves ouvre les portes de la maison qu’il possède depuis des décennies. L’accord est simple : trois mois d’hébergement, le temps de se retourner.
Bonne nouvelle : le septuagénaire forcé de vivre dans sa voiture devrait bientôt pouvoir rentrer chez lui ! La mairie de Villeneuve-les-Sablons s'est engagée à nettoyer la maison 🏠
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— RTL France (@RTLFrance) May 4, 2024
Mais les tensions montent. Une dispute éclate. Le père s’éloigne quelques jours, espérant un apaisement. À son retour, il frappe à la porte. Personne ne lui ouvre. Il ne tarde pas à comprendre : son fils a sécurisé la maison comme une forteresse — serrures neuves, code d’accès, chiens de garde, caméras de surveillance. Le message est clair : il n’est plus le bienvenu chez lui.
Un propriétaire sans droits face à un « squat familial »
Yves alerte les autorités : gendarmerie, mairie, préfecture. Mais aucune n’intervient. Pourquoi ? Parce que la loi française peine à qualifier ce type d’occupation. Quand le squatteur est un proche, les forces de l’ordre hésitent. Il n’y a pas de violation de domicile au sens strict, puisque le fils a été autorisé à entrer… même si cette autorisation a été clairement révoquée.
Résultat : un propriétaire légitime, âgé de 78 ans, se retrouve sans recours légal efficace. La mairie lui propose une place en foyer. Il refuse. « Je ne veux pas d’un lit en sursis. Je veux ma maison », dira-t-il plus tard.
19 mois de survie dans un véhicule
Privé de domicile et sans alternative financière, Yves s’installe dans sa voiture, garée à quelques dizaines de mètres de sa propre propriété. Pendant 19 mois, il dort là, hiver comme été, sans eau courante, sans intimité, sans dignité. Il se lave dans des stations-service, mange des plats à emporter, et attend — un miracle ou une justice tardive.
Désespéré, il contacte l’équipe de Julien Courbet, animateur de l’émission Ça peut arriver. Sa lettre touchante ouvre enfin une brèche dans l’indifférence.
Le regard des autres, puis la délivrance
Le reportage, diffusé en 2024, bouleverse l’opinion. Une cagnotte solidaire explose en quelques heures. Les dons permettent à Yves de passer plusieurs jours à l’hôtel — un confort oublié. Surtout, la pression médiatique pousse Cyril à quitter les lieux.
Le 6 mai 2024, Yves récupère ses clés. Mais derrière la joie pointe l’amertume : l’intérieur de la maison est en ruine. Murs tagués, sanitaires bouchés, sols immondes. La mairie de Villeneuve-les-Sablons s’engage alors à financer une partie des travaux de réhabilitation.
Il est devant sa maison et ne va plus tarder à rentrer , la @Brigade_BPA est également sur le coup , merci à l'équipe @cpva
Il dormait à son âge dans sa voiture …#cpva
Lundi le récit complet de l'aventure dans @CPVA pic.twitter.com/R6eexONlYY— Julien Courbet (@courbet_julien) May 6, 2024
Une faille juridique qui met les seniors en danger
L’affaire de Yves Gorse n’est pas isolée. Chaque année, des dizaines de cas similaires sont signalés en France : des parents âgés dépossédés par leurs enfants, des grands-parents expulsés par des petits-enfants, des conjoints chassés après une séparation. Ces « squats familiaux » échappent souvent au radar de la justice, faute de qualification pénale claire.
Pourtant, les conséquences sont bien réelles : précarité, dépression, perte d’autonomie. Et pour beaucoup, comme Yves, la voiture devient le dernier refuge — non par choix, mais par abandon institutionnel.
