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Un gérant de bar risque la prison pour avoir publiée une photo de ses voleurs sur Facebook

En voulant régler son problème tout seul, un gérant de bar à Chambéry (Savoie) s’est retrouvé au cœur d’un scandale judiciaire. Après avoir vu sa banquette et ses coussins volés, il a posté les images de la surveillance sur Facebook. Une réaction immédiate, efficace… mais illégale. Résultat : il risque désormais jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende. Une affaire qui soulève une question brûlante : jusqu’où peut-on aller pour se défendre contre le vol, sans enfreindre la loi ?

Une affaire qui commence par un vol anodin

Tout commence de manière banale. Un matin, le gérant d’un établissement de nuit à Chambéry constate qu’une banquette et plusieurs coussins ont disparu de sa terrasse. Une perte matérielle modeste, mais symbolique. Plutôt que de porter plainte, il décide d’agir seul.

Il récupère les images de vidéosurveillance, identifie deux individus en train de s’emparer du mobilier, et poste la vidéo sur sa page Facebook. Un message accompagne la publication : une mise en garde, un appel à l’identification, peut-être un peu de colère.

L’effet est immédiat. En moins de cinq heures, les objets sont rendus. Pas de violence, pas de confrontation. Juste une pression sociale qui a fonctionné. Mais ce succès a un prix.

 

Une riposte efficace, mais juridiquement risquée

Si le vol a été sanctionné par la honte, c’est le gérant qui est désormais dans le viseur de la justice. En diffusant des images de vidéosurveillance sur un réseau social, il a commis une infraction au Code de la sécurité intérieure et au Règlement général sur la protection des données (RGPD).

En effet, la loi française encadre strictement l’utilisation des images de vidéosurveillance. Leur diffusion à des fins de recherche d’identité est autorisée… mais uniquement par les forces de l’ordre ou via des supports contrôlés (affiches dans le quartier, avec autorisation). Une publication publique sur Facebook, sans floutage ni cadre légal, constitue un trafic d’images de vidéosurveillance.

Le parquet de Chambéry a donc ouvert une enquête. Le gérant risque jusqu’à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Une sanction lourde, mais conforme à la législation en vigueur.

Quand la justice numérique rattrape les réactions impulsives

Ce cas n’est pas isolé. Depuis plusieurs années, des commerçants, des riverains, des victimes de petits délits ont recours aux réseaux sociaux pour identifier des auteurs d’actes malveillants. Des groupes de quartier, des pages locales, sont souvent utilisés comme tribunaux populaires.

Mais la loi est claire : la présomption d’innocence s’applique à tous, même aux voleurs. Et la diffusion d’images sans cadre légal peut constituer une atteinte à la vie privée, voire une incitation à la vengeance.

Des juristes rappellent que, même en cas de vol, la diffusion d’images doit respecter des procédures. « On ne peut pas faire justice soi-même, surtout quand les outils numériques permettent une diffusion instantanée et massive », explique un avocat spécialisé en droit pénal des technologies.

Un débat sur la légitime défense numérique

Cette affaire relance un débat de fond : face à l’inefficacité perçue de la justice ou à la lenteur des procédures, les citoyens cherchent des solutions rapides. Et les réseaux sociaux sont devenus un outil de dissuasion.

Mais où se situe la limite entre citoyenneté responsable et lynchage numérique ? Entre l’envie de protéger son commerce et le risque de violer des droits fondamentaux ?

Certains élus locaux ont appelé à une clarification des règles, voire à une adaptation de la loi pour permettre aux commerçants de diffuser des images sous certaines conditions. D’autres craignent une dérive.

Une chose est sûre : dans l’ère du tout-numérique, la frontière entre justice et autopunition devient de plus en plus mince.