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Scandale à l’Assemblée : quand le voile devient un enjeu républicain

Une photo. Deux ou trois silhouettes voilées dans les tribunes du Palais Bourbon. Et aussitôt, l’incendie politique. Ce qui, pour certains, n’est qu’un droit fondamental – assister à un débat public – devient, pour d’autres, une atteinte à la laïcité. En novembre 2025, la présence de jeunes filles voilées à l’Assemblée nationale a ravivé les tensions les plus profondes de la société française. Entre principes républicains, droit à la liberté religieuse et surenchère politique, le débat dépasse largement les murs de l’hémicycle.

Une image, des réactions immédiates

Le 5 novembre, le média Frontières diffuse une image montrant des adolescentes portant le voile islamique dans les tribunes réservées au public, pendant les discussions sur le budget. Très vite, des élus du Rassemblement national s’emparent du sujet. Julien Odoul, député RN, parle d’“infâme provocation” sur X et interpelle directement Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée.

Moins de 24 heures plus tard, celle-ci réagit avec fermeté : “Il me paraît inacceptable que de jeunes enfants puissent porter des signes religieux ostensibles dans les tribunes.” Elle invoque la loi de 2004 sur la laïcité à l’école — bien que les tribunes ne soient ni une école, ni un espace soumis à cette législation.

 

La gauche crie à l’islamophobie

La réponse de la majorité ne fait pas l’unanimité. À gauche, on dénonce une dérive idéologique. Éric Coquerel (LFI) s’interroge : “Quel règlement interdit le voile dans les tribunes ?” Rappelant que rien dans le règlement de l’Assemblée n’interdit explicitement les signes religieux, il accuse la présidente de céder à la pression de l’extrême droite.

Sarah Legrain parle d’une “déclaration gravissime”, qui exclut de fait les jeunes femmes musulmanes de l’espace public. Paul Vannier va plus loin : “C’est de la laïcité instrumentalisée — exactement comme le fait le RN.” Pour eux, ce n’est pas la laïcité qui est défendue, mais une vision restrictive et discriminatoire de la neutralité.

Le RN jubile, les Écologistes tempèrent

Jordan Bardella applaudit la position de Yaël Braun-Pivet et en profite pour relancer un vieux combat : “Le voile n’a pas sa place en France, encore moins lors des sorties scolaires.” Un discours qui alimente la polarisation, mais qui résonne avec une partie de l’opinion.

Entre ces deux pôles, quelques voix appellent à la nuance. Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, rappelle sur RTL que “porter le voile à l’Assemblée n’est pas interdit.” Elle souligne un fait simple : si cela l’avait été, les huissiers ne les auraient pas laissées entrer.

Que dit le règlement de l’Assemblée nationale ?

L’article 8 de l’instruction générale du bureau précise que le public doit être “assis, découvert et en silence”. Ce terme “découvert”, hérité d’une tradition parlementaire ancienne, peut sembler ambigu.

Pourtant, le service de presse du Palais Bourbon confirme : le voile n’est pas prohibé en soi. Il n’est interdit que s’il “trouble le bon déroulement des débats” — ce qui n’était pas le cas ici. Cette tolérance de fait est même pratiquée régulièrement, notamment lors de visites diplomatiques.