Zemmour veut couper les visas algériens : une bombe diplomatique ou un calcul électoral ?
« On coupe tous les visas. » En prononçant ces mots, Éric Zemmour ne cherche pas seulement à marquer les esprits — il relance délibérément une crise latente entre la France et l’Algérie. Sa justification ? Rétablir un « rapport de force » face à un pays qu’il accuse de refuser toute coopération migratoire. Mais cette proposition radicale soulève bien plus qu’un débat politique : elle met en jeu des milliers de destins humains, déjà pris au piège d’une relation bilatérale tendue depuis des années.
Relations entre la France et l'Algérie: Éric Zemmour veut "couper tous les visas" pour maintenir le "rapport de force" pic.twitter.com/cVRk2L1GjM
— BFMTV (@BFMTV) November 2, 2025
Pourquoi Zemmour brandit-il la menace des visas ?
Pour Zemmour, la logique est simple : sans réciprocité, il n’y a pas de partenariat. Il reproche à Alger de bloquer les reconduites à la frontière, de retenir les passeports de citoyens franco-algériens, et de traiter la France comme un partenaire inégal. Dans ce contexte, suspendre les visas devient, selon lui, non une sanction, mais un levier de négociation.
« Tant qu’ils ne jouent pas le jeu, on ne leur donne rien », résume-t-il. Une rhétorique qui s’inscrit dans sa vision d’une politique étrangère fondée sur la fermeté plutôt que sur la diplomatie douce.
Une relation franco-algérienne minée depuis 2021
Les tensions ne sont pas nouvelles. Elles ont explosé en octobre 2021, après des propos d’Emmanuel Macron qualifiant le « système politico-militaire » algérien de « néo-islamiste ». Alger avait alors répliqué en réduisant drastiquement les visas accordés aux fonctionnaires français, gelant de fait une grande partie de la coopération bilatérale.
Depuis, les relations stagnent dans une impasse silencieuse. Les vols sont limités, les échanges économiques ralentis, et les familles transfrontalières vivent dans l’incertitude. C’est dans ce climat que la déclaration de Zemmour prend tout son poids — et son danger.
Qui serait vraiment touché par cette mesure ?
En 2023, près de 90 000 visas de court séjour ont été délivrés à des ressortissants algériens. La majorité concernait des visites familiales, des étudiants inscrits dans des universités françaises, ou des travailleurs temporaires. Une suspension totale pénaliserait donc surtout ceux qui n’ont aucune influence sur les décisions diplomatiques.
Les associations de migrants, les élus locaux et même certains hauts fonctionnaires alertent : instrumentaliser les visas revient à sacrifier des vies ordinaires sur l’autel d’un bras de fer symbolique. Et cela risque surtout d’envenimer davantage un dossier déjà fragile.
La vraie force, c’est encore le dialogue
Malgré les désaccords, la France et l’Algérie partagent des intérêts concrets : lutte contre le terrorisme, gestion des migrations irrégulières, coopération énergétique. Couper les ponts, même partiellement, pourrait nuire à ces domaines essentiels.
Plutôt que de jouer la confrontation, plusieurs experts plaident pour une relance discrète mais constante du dialogue. Parce que dans cette relation historique, complexe et souvent douloureuse, chaque geste compte — surtout quand il touche des êtres humains.
