Perdre ses enfants pour la France : quand l’armée demande au peuple de regarder la vérité en face
Le 18 novembre, dans une salle comble du Congrès des maires, le général Fabien Mandon n’a pas parlé de missiles ni de drones. Il a parlé d’enfants. De ceux qui pourraient ne pas revenir. De ceux dont les familles devront un jour porter le deuil — non pas comme une tragédie isolée, mais comme une éventualité politique. Cette phrase, simple et brutale, a traversé la France comme un coup de tonnerre. Et elle a réveillé une colère ancienne chez Jean-Luc Mélenchon.
Une parole militaire inédite, prononcée devant les élus locaux
🇫🇷 FLASH | « Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, (…) alors on est en risque. Et je pense qu’on a la force d’âme, la France a toujours montré sa force d’âme dans les moments difficiles », déclare le général Fabien Mandon, chef… pic.twitter.com/uhOmHnguB9
— Cerfia (@CerfiaFR) November 19, 2025
Le chef d’état-major des Armées a choisi un lieu inattendu pour livrer son avertissement : les maires de France. Pas les parlementaires. Pas les ministres. Les représentants de proximité, ceux qui connaissent les noms des jeunes partis en service, ceux qui reçoivent les lettres de deuil. « Ce qu’il nous manque, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est », a-t-il dit. Une phrase qui ne cherche pas à effrayer — mais à éveiller.
Il a rappelé que la dissuasion nucléaire ne suffit plus. Que la puissance économique et démographique de la France ne protègent pas contre la détermination d’un adversaire. Et qu’au moment où les priorités doivent être réorientées — vers la production de blindés, de munitions, de systèmes de défense aérienne —, il faudra aussi accepter que les impôts augmentent, que les services publics soient réduits, que certains sacrifices soient payés en vies humaines.
« Il faut en parler dans vos communes », a-t-il conclu. Une invitation à transformer la vie locale en espace de préparation civile. Un appel à la maturité politique, loin des discours rassurants.
La réponse de Mélenchon : un refus moral et constitutionnel
Le lendemain, Jean-Luc Mélenchon a réagi sur X avec une clarté sans équivoque : « Je veux exprimer un désaccord total avec le discours du chef d’État-major des armées. Ce n’est pas à lui d’aller inviter les maires ni qui que ce soit à des préparations guerrières décidées par personne. »
Pour le leader de La France insoumise, ces propos ne sont pas seulement inappropriés — ils sont dangereux. Ils transforment un débat stratégique en appel à la résignation. Il a rappelé que le rôle du chef d’état-major est de conseiller, pas d’orienter l’opinion publique. Et que la décision de risquer la guerre appartient au peuple, via ses représentants élus — pas à un général.
Le groupe LFI a renforcé cette critique dans un communiqué officiel : « Ces déclarations interviennent après d’autres prises de position expliquant que la France devait se tenir prête à un possible affrontement avec la Russie d’ici quatre ou cinq ans. En répétant publiquement ces scénarios de guerre et en les dramatisant jusqu’à évoquer la perte d’enfants, le CEMA outrepasse son rôle. »
Un débat qui ne concerne pas que l’armée
Le conflit n’est pas entre Mélenchon et Mandon. Il est entre deux visions de la démocratie. D’un côté, une vision où la sécurité est une affaire de préparation technique et morale, où la population doit être informée, même si la vérité est dure. De l’autre, une vision où la guerre doit rester un secret d’État, évitée à tout prix, car sa simple évocation la rend plus probable.
En 2025, la France est confrontée à une réalité nouvelle : les menaces ne viennent plus seulement de l’extérieur. Elles viennent aussi de l’intérieur — de la désillusion, de la fragmentation, de l’incapacité à parler ensemble des sacrifices nécessaires. Le général Mandon propose une vérité douloureuse. Jean-Luc Mélenchon propose une illusion rassurante.
Lequel des deux protège le mieux la démocratie ?
Le coût caché de la paix
En 2024, le budget de la défense a atteint 49,7 milliards d’euros. En 2025, il devrait dépasser 53 milliards. Les recrutements reprennent. Les écoles militaires sont pleines. Les familles de soldats commencent à se mobiliser. Mais personne ne parle du prix réel de cette reprise : le temps de service allongé, les conditions de vie en caserne durcies, les retards dans les soins aux blessés, les pertes inévitables.
Le général ne parle pas de gloire. Il parle de réalité. Et il demande aux maires, aux enseignants, aux médecins, aux parents, de ne pas fermer les yeux. Ce n’est pas un appel à la guerre. C’est un appel à la lucidité.
Une question qui reste ouverte
Peut-on préparer un peuple à la mort sans le plonger dans la peur ? Peut-on dire la vérité sans provoquer la panique ? Peut-on exiger des sacrifices sans avoir d’abord proposé un projet de société ?
La France ne manque pas de ressources. Elle manque de langage. Et peut-être, d’un peu de courage collectif.
