Justice scolaire : l’État condamné après 55 heures de cours de français manquantes en 6e
Une élève privée de plus d’un tiers de ses cours de français
Scolarisée en classe de 6e à Lys-lez-Lannoy (Nord) durant l’année 2022-2023, l’adolescente n’a reçu que 107 heures d’enseignement en français au lieu des 162 heures réglementaires. Cela représente un manque de 55 heures — soit 34 % du programme annuel. Le tribunal a estimé que ce déficit constituait un préjudice direct et certain, affectant ses apprentissages fondamentaux.
L’institution a clairement rappelé : le ministère de l’Éducation nationale a l’obligation légale de garantir l’enseignement de toutes les matières obligatoires. Une responsabilité qu’il n’a pas remplie dans ce cas précis.
Une tendance nationale inquiétante
Ce cas isolé n’est malheureusement pas une exception. Selon une enquête du syndicat Snes-FSU menée en septembre 2025, 55 % des collèges et lycées français manquaient d’au moins un enseignant. Un chiffre quasi stable par rapport à 2024, où 56 % des établissements étaient concernés.
Des disparités régionales marquées
L’académie de Lyon est la plus touchée : 75 % de ses établissements secondaires comptent au moins un poste non pourvu. Viennent ensuite :
- Créteil : 72 %
- Normandie : 57 %
Les causes ? Une crise de recrutement chronique, aggravée par le manque criant de professeurs remplaçants. Même des absences prévisibles, comme les congés de longue maladie, restent souvent non couvertes.
Une jurisprudence à surveiller
Cette condamnation pourrait ouvrir la voie à d’autres recours. Le tribunal a souligné que les mesures prises par le rectorat — cours regroupés, auto-apprentissage, ou enseignants polyvalents — ne suffisaient pas à exonérer l’État de sa responsabilité.
Pourtant, la même famille avait également déposé plainte pour l’absence de 19 heures de physique-chimie en classe de 3e. Cette fois, la justice a estimé que ce volume ne constituait pas une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité de l’État. Une nuance essentielle : seuls les manques substantiels semblent désormais sanctionnables.
Enseignement public en crise : vers une redéfinition des droits scolaires ?
Cette affaire soulève une question fondamentale : le droit à l’éducation implique-t-il non seulement la présence d’un établissement, mais aussi la délivrance effective du programme officiel ? La jurisprudence commence à répondre par l’affirmative. Les familles, de plus en plus informées et exigeantes, pourraient bien transformer le tribunal en dernier recours face à un système en tension.
À l’heure où le salaire d’un député en 2025 fait régulièrement débat, cette condamnation de 470 € rappelle que chaque heure perdue en classe a un coût — non seulement pédagogique, mais désormais juridique.
